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atlas des peuples autochtones du Canada

Toponymes

Lynn Peplinsky est responsable des toponymes traditionnels pour la Fiducie du patrimoine inuit du Nunavut. Son mandat est de préserver, d’ enrichir et de protéger le patrimoine et l’ identité des Inuits tels qu’ ils se manifestent dans les sites archéologiques, les ressources ethnographiques et les toponymes traditionnels du Nunavut. Elle travaille principalement sur le programme de toponymes, qui vise à consigner les connaissances des aînés sur les noms de lieux et à les situer sur des cartes destinées aux communautés.

Depuis la nuit des temps, les peuples autochtones de partout dans le monde nomment, comme le font tous les peuples, leur territoire. En effet, nous nommons tous les lieux qui nous entourent; dans la plupart des sociétés, il s’ agit de lieux aménagés ou « bâtis ». Sur la rue, en haut de la colline, dans le parc, dans la basse-ville, au centre-ville, à l’ autre bout de la ville, aux quatre coins, à l’ intersection… Toutes ces expressions sont des références spatiales utilisées dans le langage de tous les jours par les résidents de n’ importe quelle ville. Les Inuits, qui ont élu domicile dans la nature, ont eux aussi nommé ce qui les entourait. Les familles qui vivaient et chassaient sur le territoire lui ont attribué des noms qui les aideraient à se souvenir de l’ emplacement des courants, des traversées de caribous, des sites de nidification des goélands et d’ une foule d’ autres choses.

À l’époque où les familles habitaient sur le territoire et se transmettaient leurs connaissances entre elles, les cartes n’étaient pas nécessaires.

Lorsqu’ un endroit revêt une importance particulière, quelle qu’ elle soit, on le nomme. C’ est la seule façon de pouvoir en parler avec d’ autres personnes. Dans de nombreuses cultures autochtones, les toponymes sont descriptifs, mais pas nécessairement uniques, ce qui diffère des pratiques toponymiques occidentale et européenne. Par exemple, dans la région de Sanikiluaq, il y a une dizaine de baies qui s’ appellent simplement Kangiqsualuk (grande baie). Une centaine d’ autres n’ ont pas de nom, mais ces dix-là étaient suffisamment importantes pour qu’ on les nomme, possiblement à cause de leur emplacement relativement à d’ autres éléments géographiques le long des routes. Leur nom n’ avait toutefois pas besoin d’ être distinctif ou particulièrement descriptif, car on y faisait toujours référence en nommant d’ autres lieux des environs; il n’ y avait donc jamais de confusion.

De part et d’ autre de l’ Inuit Nunangat, il y a des endroits appelés Upirngivik (campement printanier), Aulattivik (péninsule où l’ on chasse les animaux), Uivvaq (là où il faut faire le tour) ou simplement Tasiq (lac) ou Qikiqtarjuaq (grosse île). Comme ces noms sont dans la langue locale, pour les personnes qui parlent inuktut, ils évoquent une image mentale des lieux. En effet, en nommant les îles Taqtu (réniforme), Ummanna (en forme de cœur) ou Qaiqsu (fond rocheux), on indique d’ emblée leur forme et leur texture, et on facilite leur reconnaissance à vue.

A building at dusk with lights on inside surrounded by snow
L’ aérogare de Quaqtaq, Nunavik (nord du Québec)

À l’ époque où les familles habitaient sur le territoire et se transmettaient leurs connaissances entre elles, les cartes n’ étaient pas nécessaires. Toutefois, lorsque les Inuits se sont installés dans des hameaux établis loin de leurs aires de chasse traditionnelles, le risque de perdre tout leur savoir ancestral est devenu bien réel.

Autrefois, les Inuits se déplaçaient en toute saison pour se nourrir, s’ appuyant sur leur excellente connaissance du territoire. Leur survie dépendait entièrement de leur capacité à enregistrer, mémoriser et transmettre leurs connaissances. Aujourd’ hui, le mode de vie traditionnel et la transmission intergénérationnelle des connaissances ont changé. Les enfants ne voyagent plus nécessairement avec leurs parents pour apprivoiser le territoire, et les chasseurs ne chassent parfois que la fin de semaine. De plus, bon nombre des hameaux actuels sont très loin des anciens campements. Pour ne pas tomber dans l’ oubli, les innombrables toponymes traditionnels, qui constituent un répertoire concret des connaissances environnementales des Inuits, doivent être consignés sur des cartes.

Dernièrement, des milliers de toponymes ancestraux de l’ Inuit Nunangat ont été officialisés. Des organismes inuits produisent aussi des cartes en inuktut pour perpétuer le savoir des aînés de génération en génération.

Les gouvernements provinciaux et territoriaux du Canada sont responsables de nommer les lieux géographiques qui se trouvent à l’ intérieur de leurs frontières. Au Nunavut, par exemple, quelque 10 000 toponymes attendent d’ être ajoutés au corpus officiel du Canada, un processus en cours depuis la création du territoire, en 1999. De nombreuses administrations inuites ont dû effectuer un relevé des toponymes en vue des négociations relatives aux revendications territoriales servant à défendre leurs droits sur leurs terres ancestrales.

L’ impressionnante variété des toponymes traditionnels montre à quel point les Inuits utilisent et occupent leur vaste territoire, d’ un bout à l’ autre. Malgré les changements qu’ ils ont subis au cours des dernières décennies, les Inuits continuent d’ être attachés à leur territoire et de dépendre de la chasse pour subvenir à leurs besoins. Les toponymes choisis par leurs ancêtres regorgent de renseignements utiles concernant les dangers, les havres, les courants, les routes, les bons sites pour camper, les lacs de pêche et les échoueries de morses; toute cette information guide les voyageurs au fil de leurs déplacements.

Avec le temps, de moins en moins d’ aînés sont en mesure de transmettre cette expertise, car ils sont moins nombreux à avoir grandi sur le territoire et à l’ avoir parcouru avec leur famille. Il est donc impératif que les travaux sur les toponymes aboutissent à une officialisation de noms ancestraux pour que soient préservées ces archives concrètes des connaissances traditionnelles pour les générations à venir.

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