De nos jours, le mot « recherche » provoque de fortes réactions chez les Inuits. D’ un côté, nous avons continuellement besoin de données qui nous concernent pour mettre au point des solutions à nos problèmes. De l’ autre, ceux qui profitent réellement de la recherche sur les Inuits, la faune et l’ environnement sont majoritairement des chercheurs et des instituts de l’ extérieur. L’ ensemble des Inuits de l’ Inuit Nunangat, tout en étant conscients que la recherche peut les aider à bâtir des communautés plus sécuritaires, plus florissantes et plus résilientes, insistent depuis longtemps sur la nécessité que les chercheurs et les instituts respectent leur autodétermination en établissant des partenariats qui optimisent l’ efficacité, les retombées et l’ utilité de leurs travaux.

Le gouvernement fédéral, le milieu de la recherche et la communauté internationale sont au courant des profondes inégalités sociales qui existent entre les Inuits et la plupart des autres Canadiens, inégalités qui sont enracinées dans des politiques manifestement dépassées. Avant la Seconde Guerre mondiale, la plupart des Inuits vivaient sur les terres, dans des camps saisonniers. Mais dans les années 1950, de nombreuses familles ont été relocalisées de force dans des établissements permanents par les gouvernements fédéral et provinciaux, qui voulaient faciliter l’ administration et la prestation de services liés, entre autres, à l’ éducation et aux soins de santé. Dans leur nouveau chez-soi, bon nombre de familles, déjà bouleversées par un flot de perturbations sociales, spirituelles et économiques, ont été grandement déstabilisées par des facteurs de stress comme le surpeuplement, les maladies infectieuses et les pensionnats. Marqués par le traumatisme de ces expériences et par les injustices en matière d’ infrastructures et de services, beaucoup d’ Inuits souffrent aujourd’ hui de taux élevés de pauvreté et de violence ainsi que de problèmes de santé mentale et physique.

Au cours des dernières années, les relations dans le domaine de la recherche ont évolué dans l’ Inuit Nunangat. On retrouve désormais des partenariats entre les Inuits, les établissements universitaires, les chercheurs et les gouvernements. Les Inuits ont commencé à mener eux-mêmes des recherches axées sur des priorités qui les concernent, dans une optique d’ équité sociale et de défense de leurs intérêts. Ces partenariats tendent toutefois à être sporadiques, et leur mandat est limité. L’ autodétermination des Inuits en matière de recherche exige que les gouvernements, les chercheurs et les établissements cessent d’ ignorer ou de marginaliser leurs priorités.

Il faut que les agences de financement tiennent compte des priorités inuites, lesquelles doivent influencer les priorités de la recherche, la composition et la fonction des organes de gouvernance, et les critères d’ admissibilité aux subventions. La recherche sera déterminante dans la réalisation d’ une équité socio-économique pour les Inuits qui profiterait, en retour, à tous les Canadiens.

En 2018, l’ Inuit Tapiriit Kanatami (ITK) et le Comité national Inuit Qaujisarvingat ont mis au point et publié la Stratégie nationale inuite sur la recherche, qui détermine nos attentes en tant qu’ Inuits quant à la fonction de la recherche dans nos régions et nos communautés, ainsi que des secteurs de partenariat et d’ action à explorer avec le milieu de la recherche. Il s’ agit d’ un plan concis pour améliorer l’ administration et la conduite de la recherche dans l’ Inuit Nunangat, de sorte qu’ elle ait des retombées positives et utiles pour les communautés inuites.

La Stratégie cible cinq secteurs d’ action concertée prioritaires qui mèneront à la concrétisation de ce modèle. Elle définit également des étapes pratiques pour promouvoir l’ autodétermination comme moyen de produire des recherches avantageuses et respectueuses qui répondraient aux besoins et aux priorités des Inuits. Ces secteurs prioritaires sont les suivants :

• Promouvoir la gouvernance inuite en matière de recherche.
• Améliorer l’ éthique de la recherche.
• Harmoniser le financement en fonction des priorités de recherche
  des Inuits.
• Assurer l’ accès, la propriété et le contrôle des Inuits relativement aux données et aux renseignements.
• Renforcer les capacités de recherche dans l’ Inuit Nunangat

La Stratégie énonce en outre une approche globale des actions communes entreprises par les Inuits et les intervenants en recherche, et souligne la nécessité de « promouvoir une compréhension commune du legs découlant de la recherche dans l’ Inuit Nunangat, et [de] relier ce legs au contexte de recherche actuel », d’ « établir les attentes des Inuits quant au rôle de la recherche dans leurs régions et leurs communautés » et, enfin, de « déterminer des secteurs de partenariat et d’ action pour les Inuits et la communauté de recherche ». L’ autodétermination des Inuits dans le domaine générera de nouvelles connaissances qui nous outilleront pour répondre aux besoins et aux priorités de nos familles et de nos communautés, et elle nous permettra de faire en sorte que les politiques, les pratiques et les organes de gouvernance de la recherche soient en phase avec la vision des Inuits.

Les Inuits veulent une garantie que la recherche menée sur leur territoire profitera à leurs communautés et que leur droit à l’ autodétermination, y compris en ce qui a trait à la gouvernance de la recherche, sera respecté par les gouvernements et les chercheurs. Ils connaissent mieux que quiconque la nature des défis auxquels font face leurs familles et leurs communautés, et ils ont de bonnes idées sur la façon de les relever. Ce sont eux qui ont le plus à gagner en faisant de la recherche un outil pour élaborer et mettre en place des solutions innovantes à leurs problèmes de société. La recherche dans l’ Inuit Nunangat a un rôle constructif à jouer dans l’ adoption de politiques, de programmes et de décisions qui rejailliront sur le quotidien des Inuits.