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atlas des peuples autochtones du Canada

Pergélisol

Robert G. Way (Ph. D. en géographie) est d’ ascendance inuite (nunatsiavummiute) et vient de Happy Valley-Goose Bay, au Labrador. Il est actuellement boursier postdoctoral à l’ Institut du Labrador de l’ Université Memorial à Terre-Neuve, où il étudie les changements environnementaux dans les régions nordiques du Canada. Par ses travaux, il souhaite contribuer au développement et à l’ adaptation des régions arctique et subarctique, là où les changements climatiques auront probablement les plus grandes répercussions sur les écosystèmes locaux, l’ aménagement des infrastructures et les peuples autochtones.

Plus de 70 % du littoral canadien se trouve dans l’ Arctique et est bordé de glace. La majeure partie de notre territoire ancestral repose sur le pergélisol, et la limite sud de ce dernier tend à se déplacer vers le nord.

On décrit souvent le pergélisol comme le « sol gelé en permanence ». Or, il semblerait que cette description soit erronée, car le sol n’ est pas nécessairement « gelé » et, comme l’ ont montré de récentes études et comme les Inuits ont pu le constater de première main, cet état n’ est pas toujours permanent. La définition officielle du pergélisol est axée sur la température du sol plutôt que sur son état : « Sol, composé de terre, de sédiments ou de roche, dont la température demeure inférieure ou égale à 0 °C pendant au moins deux années consécutives. » On préfère cette définition thermique au terme « sol gelé », parce que le mot « gelé » sous-entend la présence de glace dans la terre ou la roche. Mais il n’ y en a pas toujours. C’ est souvent le cas du pergélisol qui se trouve dans le substrat rocheux, car il ne contient pas nécessairement d’ eau gelée, mais peut tout de même présenter des caractéristiques particulières lorsque sa température est inférieure à 0 °C.

La majeure partie de notre territoire ancestral repose sur le pergélisol…

Le pergélisol est recouvert d’ une couche de sol soumise chaque année à un gel et à un dégel saisonniers; c’ est la couche active. Son épaisseur varie de quelques centimètres (dans l’ Extrême-Arctique) à de nombreux mètres. Dans tous les cas, elle atteint son épaisseur maximale vers la fin de l’ été ou le début de l’ automne, lorsque la température du sol est la plus élevée. L’ épaisseur de la couche active est toujours déterminée par la quantité de chaleur qui pénètre dans le sol. C’ est pourquoi la couche active est généralement plus profonde dans les régions où il fait chaud l’ été. Toutefois, le manteau neigeux, la surface du sol et les caractéristiques de la végétation ont aussi une incidence sur la façon dont la chaleur de l’ air se transfère dans le sol et le traverse. De plus, les conditions locales influencent l’ épaisseur de la couche active, ce qui fait qu’ elle est souvent plus ou moins épaisse que ce à quoi l’ on s’ attend dans cette région.

Le pergélisol, à l’ instar d’ une pièce de viande congelée, ne fond pas : il dégèle. Cela dit, la glace de sol qui se trouve dans le pergélisol peut fondre. S’ il y a présence de glace, il faut une très grande quantité d’ énergie pour que le sol dégèle, alors le dégel peut être un processus très long dans les régions où il y a de la glace de sol. Vu la quantité d’ énergie nécessaire pour faire fondre la glace, il est possible que la couche active ne dégèle pas du tout si elle est assez épaisse, et ce, même s’ il a fait très chaud pendant l’ année. Pour toutes ces raisons, seule une surveillance à long terme de la température du sol peut déterminer si l’ épaisseur du pergélisol et les couches actives subissent actuellement des changements.

Au départ, on croyait que le pergélisol se trouvait seulement là où la température moyenne annuelle de l’ air était inférieure à 0 °C. On a ensuite constaté la présence de pergélisol dans certains endroits très isolés où la température moyenne annuelle de l’ air est supérieure à 2 °C. De façon générale, on distingue quatre zones de pergélisol à grande échelle (c’ est-à-dire à l’ échelle des continents).

a) Pergélisol continu : Dans cette zone, de 90 à 100 % du terrain renferme du pergélisol, d’ une épaisseur pouvant atteindre plusieurs centaines de mètres. Le pergélisol se trouve presque partout, sauf sous les rivières, les grands lacs et autres plans d’ eau profonds. La température médiane annuelle de l’ air dans cette zone est habituellement inférieure à -8 °C. Le pergélisol se forme activement dès qu’ un terrain est découvert.

b) Pergélisol discontinu étendu : Dans cette zone, de 50 à 90 % du terrain renferme du pergélisol, dont l’ épaisseur va de quelques mètres à des centaines de mètres. Le pergélisol est répandu et se trouve sous la plupart des terrains, sauf peut-être là où les conditions locales sont défavorables, par exemple sous les collines donnant sur le sud et sous les grands saules.

c) Pergélisol discontinu sporadique : Dans cette zone, de 10 à 50 % du terrain renferme du pergélisol, dont l’ épaisseur va de quelques mètres à plus d’ une centaine de mètres. Le pergélisol se trouve le plus souvent dans des endroits qui favorisent sa préservation, par exemple sous les collines donnant sur le nord et sous les tourbières. Habituellement, ce pergélisol s’ est formé lors d’ un régime climatique antérieur, alors que les conditions étaient plus froides et probablement plus favorables. La répartition de ce pergélisol dépend souvent de l’ épaisseur de la neige; plus la couche de neige est épaisse, plus le sol est isolé et plus sa température est élevée.

d) Îlots de pergélisol : Dans cette zone, 10 % du terrain renferme du pergélisol. Bien que la plupart des cartes incluent cette catégorie, il peut être difficile de l’ interpréter, car elle comprend à la fois des régions qui n’ ont presque aucun pergélisol et des régions où de petits îlots se forment fréquemment. Ceux-ci se sont habituellement formés dans des conditions climatiques antérieures beaucoup plus favorables que les conditions actuelles. Ainsi, les îlots actuels se trouvent seulement dans les endroits qui favorisent la préservation du pergélisol. On inclut aussi souvent dans cette catégorie les îlots de pergélisol des hautes régions montagneuses, qui sont parfois beaucoup plus au sud que les basses terres pergisolées.

Il y a du pergélisol sous environ 24 % de la superficie terrestre de l’ hémisphère Nord. Le pergélisol influence donc l’ environnement et l’ activité humaine à de nombreux égards. Dans les régions arctique et subarctique, on trouve souvent du pergélisol sous le territoire des communautés inuites, et il faut en tenir compte dans l’ aménagement des infrastructures et des logements, surtout étant donné les prévisions de réchauffement climatique. Le dégel d’ un pergélisol contenant de la glace de sol peut entraîner une multitude de changements dans l’ environnement local, comme des affaissements de terrain et la perturbation de l’ écoulement et de la composition chimique de l’ eau. La surface terrestre peut réagir de différentes façons au dégel; tout dépend de la quantité de glace dans le pergélisol. Si la teneur en glace est très faible, les changements qui s’ opèrent à la surface au moment du dégel peuvent être très minimes. Par contre, si la teneur en glace est élevée, ces changements peuvent être extrêmes.

Des chercheurs se sont penchés récemment sur la possible libération dans l’ atmosphère de carbone emmagasiné dans le sol pendant le dégel du pergélisol. S’ il y a encore certaines incertitudes quant à la quantité de carbone et au rythme de sa libération, les experts sont unanimes sur un point : au cours du prochain siècle, les émissions de carbone du pergélisol pourraient commencer à avoir des effets sur le climat.

Les températures de presque tous les pergélisols, à quelques exceptions près, sont en train d’ augmenter, et on prévoit que cette tendance se maintiendra à mesure que le climat continuera de se réchauffer. Il est important de garder en tête que la température du pergélisol peut varier énormément en fonction des conditions locales, surtout là où il y a de nombreux plans d’ eaux, des crues saisonnières ou des conditions de neige irrégulières attribuables à un couvert végétal variable ou changeant. Plusieurs communautés nordiques ont inclus des recherches sur les changements des conditions du pergélisol dans leur planification de l’ adaptation côtière. Par ailleurs, il est largement reconnu que les Inuits ont de précieuses connaissances qui peuvent aider à comprendre les changements climatiques et à en mesurer les effets le long des littoraux du Nord.

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