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atlas des peuples autochtones du Canada

L’identité métisse

Quel peuple fondateur du Canada a déjà sillonné le cœur de l’Amérique du Nord en charrette de la rivière Rouge, chassé le bison avec une précision digne des militaires, gigué au rythme entraînant des violoneux, porté des vêtements aux riches broderies, parlé des langues uniques au monde, prié li Boon Jeu, Kitchi-Manitou et son patron Saint Joseph, et même craint son pro- pre loup-garou? Ce peuple, ce sont les Métis.

Au sein de sociétés non autochtones, il existe deux conceptions de ce que signifie « métis ». La notion d’identité métisse peut faire l’objet de deux interprétations concurrentes, selon la graphie employée. Le terme « métis », écrit avec un « m » minuscule, désigne une personne ou un peuple d’ascendance mixte, issu par exemple de l’union entre Autochtones d’Amérique du Nord et Euro- péens, Eurocanadiens ou Euroaméricains. Il s’agit d’une catégorie raciale. Cette signification, la plus ancienne, provient du verbe « métisser », qui fait référence au mélange des groupes ethniques (d’où également le nom dérivé « métissage »). La deux- ième signification, qui est adoptée par la Nation métisse, renvoie plutôt à un peuple qui se définit comme tel et a sa propre histoire, ancrée dans un contexte géographique particulier : les prairies de l’Ouest canadien, avec certains prolongements en Colombie-Britannique, en Ontario, au Dakota du Nord, au Montana et aux Territoires du Nord-Ouest. Dans ce cas-ci, le mot s’épelle avec un « M » majus- cule, et présente souvent, mais pas toujours, l’accent aigu sur le « e ».
Le fait d’être Métis avec un grand « M » repose sur une définition politico-culturelle de l’identité métisse. Pour cette communauté, être Métis, ce n’est pas seulement avoir des ancêtres à la fois autochtones (en général, cris, saulteaux ou dénés) et européens ou eurocanadiens (le plus souvent, canadiens-français, écossais ou orcadiens); c’est aussi se rattacher à un groupe de personnes qui se considèrent comme Métis et reconnaissent que leurs ancêtres ont pris la décision politique, fondée sur une histoire et une culture commune, de se dire « Métis ».

Pour les tenants de cette identité, il n’est donc pas seulement question de la mixité de leur ascendance. S’il n’en tenait qu’à ça, presque toutes les Premières Nations du Canada, ainsi que les Canadiens français et les Acadiens, seraient aussi Métis, compte tenu du mélange génétique et culturel qui a eu lieu dans les premiers temps de la colonie. Tous ces groupes reconnaissent que des personnes aux appartenanc- es variées ont historiquement contribué à créer la « mosaïque » diversifiée de leur ethnicité; cependant, leurs ancêtres respectifs ont consciemment choisi de se définir comme des nations distinctes, et non hybrides. Ainsi, être Métis relève d’une décision consciente de s’identifier à un groupe de personnes aux vues similaires. Les communautés métisses his- toriques avaient des cultures et des modes de vie qui leur étaient propres, et étaient reconnues comme des peuples à part entière. Les nations autochtones et les commerçants de fourrures européens les désignaient par des appellations distinctes, comme Otipemisi- wak, Apeetogosan, gens libres et Bois-Brûlés.

A painting of a Métis camp
Painting of a Métis camp by an unknown artist.

L’identité métisse (avec un grand « M ») est fon- dée sur les critères suivants : les Métis sont apparus à l’époque de la traite de la fourrure dans ce qu’on appelle aujourd’hui l’Ouest canadien ainsi que dans une région du nord-ouest de l’Ontario; ils ont des racines dans la colonie de la rivière Rouge ou dans les communautés du commerce de la fourrure au nord des provinces des Prairies; ils ont reçu des conces- sions de terres ou des certificats attestant leur titre ancestral (dans le cadre de la Loi sur le Manitoba et de la Loi des terres fédérales); ils ont été reconnus comme une nation autochtone distincte par d’autres peuples des Premières Nations, ainsi que par les Européens, les Eurocanadiens, le gouvernement colonial du Royaume-Uni et les gouvernements des colons au Canada. Cette communauté avait la volonté politique de créer son identité. Elle formait la Nation métisse historique. Avec le temps, cette identité a donné lieu à la Nation métisse moderne, qui regroupe tous ses descendants qui se considèrent Métis et qui sont reconnus comme tels par les autres membres de leur communauté. Tous ces gens se rattachent à leurs ancêtres en vivant sur les terres tra- ditionnelles métisses, en s’identifiant comme Métis, en maintenant leurs pratiques culturelles et, lorsque c’est possible, en parlant le michif et d’autres langues.

Cette identité a été complexifiée par la disper- sion des Métis ailleurs au Canada et aux États-Unis après 1885, un mouvement qui plus tard a été motivé par la quête de meilleurs emplois. D’ailleurs, les nations métisses de la Colombie-Britannique et de l’Ontario sont, pour beaucoup, principalement con- stituées de descendants des Métis des Prairies partis à la recherche d’un meilleur sort.

A Saulteaux Métis in an archival image, circa 1858
An archival image of “Wigwam,” a Saulteaux Métis circa 1858.

L’identité politique moderne des Métis:

L’identité métisse a connu une évolution durant les dernières décennies. Dans les années 1960, les vieux noms employés par les communautés métisses historiques pour se désigner elles-mêmes (comme « Half-breeds » ou « Michif ») ont fait place au terme « Métis », dans la foulée de l’émergence d’une identité « panmétisse ». Dans les mêmes années, on a reconnu que les Indiens non inscrits et les Métis avaient beaucoup de choses en commun, du fait qu’ils étaient des groupes autochtones non recon- nus. Ceux-ci ont donc ensemble mis sur pied des groupes de pression dans les années 1970 et au début de la décennie 1980. Des organismes métis des trois provinces des Prairies ont créé en 1971 le Conseil national des autochtones du Canada (CNAC), un regroupement national pour faire avancer leur cause. Le CNAC a rapidement élargi sa portée pour inclure d’autres groupes métis de partout au pays ainsi que les Indiens non inscrits. Avec le temps, nombre de ces derniers ont joint les associations métisses des Prairies, et ce rassemblement d’Autochtones sans droits ancestraux s’est reflété dans le nom adopté par l’organisation : Association of Métis and Non- Status Indians of Saskatchewan. Au début des années 1980, les Métis des trois provinces des Prairies ont quitté le CNAC (dont la direction nationale était assurée presque entièrement par des Indiens inscrits et non inscrits) pour créer le Ralliement national
des Métis (RNM), en 1983, une nouvelle entité se consacrant exclusivement à la défense des droits de la Nation métisse. Alors que la Fédération des Métis du Manitoba et la Métis Association of Alberta se sont dédiées aux Métis uniquement, la Métis Society of Saskatchewan ne voyait le jour qu’en 1988, lorsque les membres de cette province ont voté pour créer un organisme exclusivement métis. Plus tard, de nombreux Indiens non inscrits ayant obtenu recon- naissance dans le cadre du projet de loi C-31 ont délaissé les associations métisses.

People stand atop the frozen forks of Manitoba's Red and Assiniboine rivers in the year 1821
An unknown artist’s depiction of winter at the forks of Manitoba’s Red and Assiniboine rivers in 1821.

Le RNM représente les Métis des quatre prov- inces de l’Ouest et de l’Ontario. Les communautés métisses des Territoires du Nord-Ouest n’en font pas partie : bien qu’elles soient comprises dans les nations métisses, elles possèdent leurs propres processus juridiques avec le gouvernement fédéral, qu’ils ne souhaitent pas compromettre. Le RNM regroupe les Métis avec un grand « M », et a défini en 2002 ce qu’est être Métis : « Toute personne qui s’identifie comme Métis, qui se distingue des autres peuples autochtones, qui est issue de la Nation métisse his- torique et qui est acceptée par la Nation métisse. »

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