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atlas des peuples autochtones du Canada

Les langues des Métis

Le michif, langue officielle de la Nation métisse, est la langue métisse la plus connue. Les Métis comptent cependant de nombreuses langues ancestrales, comme le michif français, dialecte du français canadien présentant certains éléments linguistiques algonquins, qui est parlé à Saint-Laurent et à Saint-Ambroise au Manitoba, ainsi qu’à Batoche et à Saint-Louis en Saskatchewan. On trouve aussi le michif nordique, un dialecte cri des Plaines empruntant beaucoup de noms à la langue française et parlé au nord-ouest de la Saskatchewan, autour d’Île-à-la Crosse. Le nêhinawêwin (maskegon ou dialecte « N ») est parlé par les Métis de Cumberland House, en Saskatchewan, et dans les régions manitobaines environnantes, alors que le nêhiyawêwin (cri des Plaines, ou dialecte « Y ») est parlé au sud de la Saskatchewan, à Lac La Biche en Alberta et dans les établissements métis de cette province. Le nakawēmowin (saulteaux ou ojibwé des Plaines) est parlé dans la région de l’Interlac au Manitoba, notamment à Duck Bay. Le dënesųłiné (chippewa ou déné) est la langue des Métis de La Loche en Saskatchewan, de Fort Chipewyan en Alberta, et des Territoires du Nord-Ouest. Les Métis parlaient aussi le bungi, un dialecte métis composé d’anglais contenant plusieurs mots cris et gaéliques d’Écosse. On le parlait dans toutes les communautés manitobaines où s’installaient des Métis écossais. Les Métis qui travaillaient dans le commerce de la fourrure parlaient aussi le jargon slave (slave empreint de français et de cri) dans la région qui correspond aujourd’hui au sud du Yukon et le jargon chinook (langue du commerce faite de mots nootka, chinook, français et anglais) dans toute la région du nord-ouest de la côte du Pacifique.

Le michif

Les premières générations de Métis figuraient sans doute parmi les peuples les plus polyglottes du Canada : ils parlaient non seulement leurs propres langues, mais aussi plusieurs langues autochtones et celles des colons. Aujourd’hui, les Métis peuvent parler le michif, ainsi que le cri, le saulteux, le déné et diverses langues européennes. En plus d’apprendre les langues autochtones et coloniales, ils ont inventé le michif, le michif français, le michif du nord et le bungi, un créole combinant cri et gaélique d’Écosse. Cependant, toutes ces langues ancestrales sont actuellement menacées. Leur disparition engendrerait la perte tragique d’une riche tradition orale, d’un savoir médical traditionnel, de systèmes spirituels, de valeurs communautaires et de stratégies d’exploitation des ressources.

Le michif est parlé dans les trois provinces des Prairies, au Montana et au Dakota du Nord. Les communautés de locuteurs se situent notamment au sud-est de la Saskatchewan (de Battleford à Debden au nord et à Yorkton au sud, jusque dans la vallée de la Qu’Appelle), au sud et au centre du Manitoba (Saint-Lazare, Camperville et Duck Bay), et au nord du Dakota du Nord où, dans les collines Turtle, on l’appelle le « chippewa cri des collines Turtle ».

Même si le michif est loin d’être la seule langue hybride du monde, les linguistes lui reconnaissent un caractère unique, qui rend compte du génie des Métis pour la synthèse cohérente de cultures disparates. Le michif est composé de verbes et de syntagmes verbaux issus du dialecte du cri des Plaines (et d’un peu de saulteaux) et de noms et de syntagmes nominaux français (et parfois anglais). Ses origines remontent à la fin du XVIIIe siècle. L’orthographe du michif, n’ayant pas encore été standardisée, est phonétique. Autrefois, les aînés appelaient la langue michif « cri » et se désignaient eux-mêmes comme « Michifs » ou « Métchifs », dérivés de « métif » ou de « mitif », ancienne graphie française de « Métis ».

Malheureusement, la colonisation a eu des effets dévastateurs sur l’identité collective du peuple métis, particulièrement sur ses langues ancestrales, qui ont presque disparu. Pendant près d’un siècle, les Métis ont été stigmatisés en raison de leur héritage autochtone, de leur ascendance métissée et de leur réputation de « rebelles ».

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Norman Fleury, figure de proue de la préservation de la langue michif

Le michif français, ou français métis, est traditionnellement parlé par les Métis de Batoche et de Saint-Louis en Saskatchewan, de Saint-Laurent et de Saint-Eustache au Manitoba et d’autres communautés de l’Ouest du Canada. Même si les linguistes considèrent cette langue comme un dialecte du français canadien, elle demeure difficilement compréhensible pour les francophones. Les éléments qui le distinguent du français canadien standard sont nombreux. Mentionnons notamment les pronoms personnels, qui ne rendent pas compte du genre, les occasionnels emprunts aux syntaxes crie et saulteaux ainsi que le vocabulaire, la prononciation des voyelles et la construction possessive qui diffèrent du français. Le michif français est l’une des langues d’origine du michif, car leurs composantes françaises respectives (dérivées du français des voyageurs canadiens-français du commerce de la fourrure) se ressemblent énormément. Jusqu’à tout récemment, dans des communautés comme celles de Saint-Laurent et de Saint-Eustache, au Manitoba, les francophones stigmatisaient les locuteurs du michif français, les accusant de parler un « mauvais » français. Par conséquent, cette langue n’a pas été transmise aux générations subséquentes. Comme le michif, le michif français n’a pas d’orthographe standard et s’écrit phonétiquement.

Quant au michif du nord-ouest de la Saskatchewan, la plupart de ses locuteurs habitent à Île-à-la-Crosse, Buffalo Narrows, Beauval et Green Lake, ou autour de ces communautés. Selon les linguistes, le michif du nord serait un dialecte du cri des bois (parfois nommé Rock Cree) empruntant des noms au français. Cette forme de michif est ardemment défendue par la communauté, et est d’ailleurs enseignée dans certaines écoles, en particulier à la Rossignol Elementary School d’Île-à-la-Crosse. Son orthographe est standardisée (suivant le cri), mais certains de ses mots français peuvent être écrits phonétiquement ou selon la graphie française. L’histoire orale indique que l’héritage michif était parlé dans le nord-ouest de la Saskatchewan, mais qu’il a été remplacé par le cri, le déné ou le michif du nord.

Malheureusement, la colonisation a eu des effets dévastateurs sur l’identité collective du peuple métis, particulièrement sur ses langues ancestrales, qui ont presque disparu. Pendant près d’un siècle, les Métis ont été stigmatisés en raison de leur héritage autochtone, de leur ascendance métissée et de leur réputation de « rebelles ». Cela a poussé beaucoup d’entre eux à abandonner leur héritage ou à en minimiser l’importance pour mieux s’intégrer dans la société blanche dominante. De surcroît, les non-Autochtones ridiculisaient souvent ceux qui parlaient michif à l’école ou en public. Ces moqueries ont amené certains à avoir honte de leur identité. De plus, l’exode rural a entraîné la perte de la langue et de la culture michif pour la plupart des Métis. Aujourd’hui, la mémoire linguistique d’au moins trois générations de Métis en souffre et la plupart d’entre eux (environ 90 ou 95 %) sont incapables de tenir une conversation simple dans l’une ou l’autre de leurs langues ancestrales. La vaste majorité de ceux qui parlent couramment ces langues sont des personnes âgées. Conséquemment, c’est l’anglais qui est devenu la langue de la Nation métisse, à la maison comme au travail, le français étant toujours utilisé dans certaines communautés métisses.

De nos jours, la transmission de la langue michif aux jeunes préoccupe beaucoup de Métis. Ses locuteurs et certaines institutions métisses, comme l’Institut Gabriel-Dumont et l’Institut Louis Riel, publient des livres et des sites Web et produisent de la musique en michif. Le Ralliement national des Métis et ses membres  participent à cet effort visant à faire revivre le michif – langue officielle de la Nation métisse – et à le restaurer en tant que langue fonctionnelle.

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