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atlas des peuples autochtones du Canada

Les établissements métis et les fermes gouvernementales

Au Canada, les huit établissements métis de l’Alberta sont la seule assise territoriale des Métis reconnue par un gouvernement. Totalisant 512 121 hectares (1,25 million d’acres) et situés dans le centre-est et le nord de l’Alberta, ces établissements ont été créés à la suite des pressions de leaders politiques métis dans les années 1920 et 1930, lesquels étaient préoccupés par la souffrance sociale des Métis qui, sans terres, peinaient à nourrir leur famille. Notons qu’en 1909, Saint-Paul-des-Métis, un établissement métis en Alberta géré par le gouvernement fédéral, avait été dissous après seulement 10 ans d’existence pour combler les besoins de la population immigrante européenne.

En 1932, la Métis Association of Alberta (MAA) a été formée à partir d’un groupe de pression politique métis. La nouvelle association voulait que le gouvernement provincial enquête sur les conditions de vie misérables des Métis de la province. Ses efforts ont convaincu celui-ci d’adopter en 1938 le Métis Population Betterment Act, une loi qui, s’inspirant des recommandations de la commission Ewing, a procuré une assise territoriale au Métis. Les nouveaux établissements, ou « colonies » comme on les appelait, étaient Buffalo Lake (Caslan), Cold Lake, East Prairie, Elizabeth, Fishing Lake (Packechawanis), Gift Lake (Ma-cha-cho-wi-se), Kikino (Goodfish Lake), Marlboro, Paddle Prairie (ou Keg River), Big Prairie (aujourd’hui Peavine), Touchwood et Wolf Lake. À l’origine, leur structure de gouvernance était paternaliste : le gouvernement et les dirigeants de l’Église les géraient en grande partie; cela dit, les Métis disposaient d’une certaine autonomie en matière de chasse, de pêche et de trappage. Quatre de ces premiers établissements, Cold Lake, Marlboro, Touchwood et Wolf Lake, ont par la suite été dissous.

Frustrés du manque d’autonomie administrative de ces établissements, un groupe d’activistes a fondé l’Alberta Federation of Metis Settlements Associations en 1975.

Frustrés du manque d’autonomie administrative de ces établissements, un groupe d’activistes a fondé l’Alberta Federation of Metis Settlements Associations (AFMS) en 1975. Après des années de négociations et un ensemble de procédures judiciaires, leurs activités de lobbying ont enfin porté des fruits en 1990, quand le gouvernement de l’Alberta a passé le Métis Settlements Act, le Métis Settlements Accord Implementation Act, le Métis Land Protection Act, et le Constitution of Alberta Amendment Act, lois accordant aux Métis de ces établissements la gestion intégrale d’un territoire de 512 121 hectares (1,25 million d’acres).

En 2016, les établissements métis de l’Alberta comptaient 5 054 résidents. Actuellement au nombre de huit, ces établissements, à savoir Buffalo Lake, East Prairie, Elizabeth, Fishing Lake, Gift Lake, Kikino, Paddle Prairie et Peavine, jouissent d’une autonomie administrative et sont gérés par le Métis Settlements General Council (MSGC). Chaque établissement a son propre conseil, et les huit conseils se rencontrent lors d’une assemblée générale annuelle. Le conseil d’administration qui supervise le MSGC est formé des présidents de chacun des huit conseils et des quatre membres de l’exécutif du MSGC, qui eux n’ont pas droit de vote. En consultation avec le ministère des Relations avec les Autochtones de l’Alberta, le MSGC établit les politiques auxquelles les établissements sont assujettis.

Les fermes métisses de la Saskatchewan

Des années 1930 à 1950, la réhabilitation des communautés des réserves routières de la Saskatchewan, lesquelles avaient été dépossédées de leurs terres, était une priorité pour le gouvernement provincial. En 1939, le gouvernement libéral et l’Église catholique ont mis sur pied une communauté métisse agricole, ou colonie de « réhabilitation », à Green Lake. Cela a eu pour effet de déplacer des Métis du sud vers cette communauté ségréguée au nord. Green Lake était un établissement métis existant possédant des terres réservées en 1902 par le gouvernement fédéral. Arrivée au pouvoir en 1944, la Co-operative Commonwealth Federation (CCF) a voulu rétablir la situation des Métis en créant à leur intention des « fermes » de réhabilitation dans le sud de la province, lesquelles leur permettaient d’apprendre à cultiver la terre pour pouvoir mieux s’intégrer à la société dans son ensemble. Le gouvernement a acquis en 1945 la ferme métisse Lebret, dirigée par les Oblats, ferme qui a ensuite servi de modèle à d’autres établissements semblables à Baljennie, Crescent Lake, Crooked Lake, Duck Lake, Glen Mary, Lestock et Willow Bunch. Environ 2 500 Métis ont vécu sur ces fermes à l’apogée du programme.

Le paternalisme du gouvernement à l’égard des communautés des réserves routières s’est particulièrement manifesté lors d’un événement survenu en 1949. Cette année-là, le gouvernement de la CCF a décidé que de nombreux Métis des réserves routières, principalement issus du « petit Chicago », dans la région de Lestock au sud, allaient être déplacés, en train, vers Green Lake. À bord, beaucoup de Métis ont alors regardé avec horreur les autorités locales mettre le feu à leurs habitations. Ce programme, qui s’est poursuivi jusqu’au milieu des années 1950, a servi à déplacer vers Green Lake de nombreuses familles de Lestock, Glen Mary et Baljennie.

Minées par la mauvaise gestion et le paternalisme endémique, les fermes métisses se sont avérées un échec cuisant. Les Métis n’avaient pas droit de regard dans leur gouvernance, et les fonctionnaires étaient souvent peu serviables et racistes, prenaient des décisions arbitraires, sans compter qu’ils ont probablement utilisé les Métis comme main-d’œuvre bon marché. Plus important encore, le gouvernement ne comprenait pas que les Métis préféraient les emplois salariés à l’agriculture. Vers la fin des années 1950, le constat était clair : les fermes ne fonctionnaient pas. Au sud, les Métis s’installaient en ville pour trouver un emploi salarié, tandis que ceux vivant dans les fermes comptaient sur l’aide gouvernementale pour subsister. Il n’est donc pas étonnant que la plupart des Métis aient fini par quitter ces fermes, et que le gouvernement ait plutôt misé sur l’intégration des Métis du sud aux villes de la province. Toutefois, jusque dans les années 1970, l’itinérance, le logement et l’accès à la propriété sont demeurés des problèmes de taille pour les Métis de la Saskatchewan.

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