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atlas des peuples autochtones du Canada

L’activisme politique et communautaire de l’après-guerre chez les Métis, de 1950 à 1970

De la grande dépression jusqu’aux années 1950, les organisations politiques métisses étaient particulièrement actives en Alberta et en Saskatchewan. Dans les années 1930, les Métis au nord se sont organisés politiquement pour contrer le paternalisme dont faisaient preuve le gouvernement et l’Église, et s’élever contre les acheteurs de fourrure qui ne payaient pas les trappeurs métis au juste prix. Les Métis ont alors créé des coopératives de trappage et de pêche dans le nord de la Saskatchewan et du Manitoba, avec comme objectif de rehausser leur niveau de vie. Beaucoup de Métis de ces régions, sinon la grande majorité d’entre eux, vivaient néanmoins dans la grande misère. La Northern Halfbreed Association a été fondée dans les années 1930 pour améliorer le sort des Métis du nord de la province. La Métis Association of Alberta a, quant à elle, vu le jour en 1940 et, au cours de la même décennie, le gouvernement de la Saskatchewan a financé la création de la Métis Society of Saskatchewan (initialement fondée en 1935 sous le nom « Half-breeds of Saskatchewan »). Dans cette province, des années 1940 aux années 1960, il y avait donc deux organisations politiques métisses, une au nord et au sud, qui ont finalement fusionné en 1967.

Après la Seconde Guerre mondiale, les Métis étaient dans une situation précaire. Beaucoup d’entre eux ont commencé à quitter les communautés de fortune des réserves routières pour s’établir en ville. C’est qu’ils avaient une prédilection pour le travail salarié, et que les villes devenaient de plus en plus des carrefours d’emploi importants pendant la croissance d’après-guerre des années 1950. Les Métis ont suivi la grande migration autochtone vers les villes, laquelle découlait du fait que les réserves et les communautés des réserves routières n’offraient que des perspectives limitées. Si les Autochtones étaient présents depuis longtemps dans les villes de l’Ouest canadien, à de nombreux Métis, les centres urbains paraissaient un milieu étranger, déconnecté de leur vie des régions rurales et du nord. Pourtant, pendant ces vagues de migration, des réseaux de parenté ont été rétablis, et des familles ont repris contact. Cependant, pour les Autochtones en ville, le racisme rendait difficile l’accès au logement, à l’emploi, à l’éducation et aux services sociaux.

Dans le but d’atténuer les effets de cette discrimination, les Autochtones ont commencé à s’organiser pour demander à divers ordres de gouvernement de faciliter leur intégration en milieu urbain. Les Métis de Winnipeg ont alors joué un rôle crucial en mettant sur pied l’Indian & Métis Friendship Centre of Winnipeg en 1959. D’autres centres semblables ont aussi vu le jour dans plusieurs villes et villages des Prairies. En 1972, tous ces centres s’étaient regroupés dans l’Association nationale des centres d’amitié. Pendant les années 1950, les Métis du Manitoba ont également tenu, de concert avec les Premières Nations de la province, des conférences annuelles réunissant Indiens et Métis. Cependant, les Métis du Manitoba ont fondé, en 1967, leur propre organisation, la Fédération des Métis du Manitoba. L’Ontario Métis and Non-Status Indian Association a pour sa part été créée au nord de l’Ontario en 1965, tout comme la Robinson-Superior Métis Association. Dans les années 1970, les Métis du district régional de la rivière de la Paix, en Colombie-Britannique, ont formé la Société Métis Louis Riel (qui s’est par la suite étendue dans la province en 1983 et qui a changé son nom pour Louis Riel Métis Association of British Columbia).

Aux États-Unis, pendant les années 1960, les mouvements militant pour les droits des Indiens et les droits de la personne ont permis aux Métis et aux autres Autochtones de voir comment ils pouvaient s’attaquer aux problèmes découlant de la colonisation et de la marginalisation. Différents livres et publications ont d’ailleurs grandement influencé l’activisme métis de l’époque, dont Lament for Confederation (1967), du chef Dan George, et The Unjust Society (1969), de Harold Cardinal. Ces critiques acerbes de la colonisation et des politiques gouvernementales visant les Autochtones ont ensuite inspiré Prison of Grass (1975), du polémiste métis Howard Adams, et Halfbreed (1973), de Maria Campbell, un ouvrage où l’auteure raconte le racisme viscéral qui écrasait sa communauté et sa famille métisses. Certaines publications autochtones, comme New Breed Magazine et la revue des Métis et des Indiens non inscrits de la Saskatchewan, ont également contribué à la cause des droits autochtones en diffusant des renseignements utiles aux membres des diverses communautés dans leur lutte contre le racisme du gouvernement et de la société et contre la colonisation.

En 1975, la Métis Society of Saskatchewan est devenue l’Association of Métis and Non-Status Indians of Saskatchewan pour refléter l’inclusion des Indiens non inscrits dans le mouvement. Ces derniers ont aussi rejoint les rangs d’autres organisations métisses en Alberta et au Manitoba, les deux groupes – Métis et Indiens non inscrits – s’alliant naturellement parce que le gouvernement leur refusait à tous deux des droits en tant qu’Autochtones. À cette époque, les revendications des mouvements politiques métis étaient axées sur le logement, l’emploi, l’éducation et la formation professionnelle.

L’éducation était une des grandes priorités de l’Association of Métis and Non-Status Indians of Saskatchewan. En 1976, elle a tenu une conférence culturelle ayant mené à la création, en 1980, de l’institut Gabriel-Dumont. Cet établissement est né à la suite de pressions communautaires, des centaines de Métis ayant occupé l’Assemblée législative à Régina ainsi que d’autres immeubles gouvernementaux pour forcer le gouvernement à le mettre sur pied. Beaucoup de militants, et de membres n’ayant pas de statut, de l’association voulaient aussi faire stopper Adopt Indian Métis (AIM), un programme du gouvernement de la Saskatchewan s’inscrivant dans la rafle des années 60, et qui a enlevé des enfants autochtones à leur famille et à leur communauté.

En Alberta, les activistes métis ont formé l’Alberta Federation of Métis Settlements Associations pour revendiquer le droit à l’autonomie administrative des établissements métis. Ce qu’ils ont obtenu après 15 ans de lutte, en 1990, quand le gouvernement a adopté des lois leur accordant cette autonomie en plus d’une gestion intégrale de leur territoire.

Au Manitoba, la Fédération des Métis du Manitoba (FMM) et ses membres se sont affiliés à plusieurs causes de justice sociale dans les années 1970, dont l’une des plus célèbres reste la protestation contre la discrimination institutionnelle dans un district scolaire à Camperville (Manitoba), en 1973. La FMM a aussi érigé des piquets et occupé divers bureaux du gouvernement et de sociétés d’État pour lutter contre la discrimination pratiquée par ces entités et demander qu’elles intègrent plus de Métis à leur personnel. Les membres de la communauté venaient alors prendre la relève des protestants et des piqueteurs pour leur laisser un répit nécessaire, et leur porter à manger et à boire.

Pendant les années 1970, les organisations politiques métisses ont exigé du gouvernement du financement pour soutenir les Métis ayant subi un déplacement social. Grâce à ces fonds, ces organisations politiques ont pu engager des personnes pour évaluer, sur le terrain, les programmes nécessaires à leurs communautés, en collaboration avec les Métis. Sans surprise, le logement, la formation professionnelle, l’éducation de base, l’acquisition de compétences et la culture ont été les thèmes des principaux programmes établis au cours des années 1970 par les organisations politiques métisses.

À l’échelle nationale, les Métis étaient représentés par la Fraternité des Indiens du Canada depuis les années 1950. En 1971 est né le Conseil national des autochtones du Canada (CNAC) pour assurer la représentation des Métis et des Indiens non inscrits. La priorité du Conseil était d’obtenir du gouvernement fédéral qu’il reconnaisse aux Métis des droits à titre d’Autochtone. Le point culminant de ces efforts est survenu en 1982, quand Harry Daniels, membre du Conseil, a fait pression pour que les Métis soient reconnus, dans la constitution canadienne, comme un des trois peuples autochtones du pays.

Un grand nombre de Métis considèrent les années 1960 et 1970 comme l’âge d’or de l’activisme métis, où l’ensemble des membres des communautés ont uni leurs forces pour atteindre des objectifs communs.

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