Les charrettes de la rivière Rouge
Ces charrettes, bruyantes mais polyvalentes, ont arpenté les terres correspondant aujourd’hui aux provinces des Prairies, au Dakota du Nord, au Montana et au Minnesota pendant une grande partie du XIXe siècle. Les peuples autochtones et euroaméricains les ont associés aux Métis. D’ailleurs, les Premières Nations des Plaines faisaient même référence aux Métis en les qualifiant de « mi-chariot, mi-homme ».
Les charrettes de la rivière Rouge étaient entièrement faites de bois et tirées par un cheval, un poney ou un bœuf. Dotées de deux grandes roues, elles pouvaient porter entre 300 et 450 kilos de marchandises. Les commerçants métis se déplaçaient beaucoup en grands groupes dans les Plaines en train de chariots attachés ensemble avec du cuir, leurs biens portés par ces charrettes. Cette charrette de la rivière Rouge était le principal moyen de transport des Métis sur la terre. Les termes métis qui désignent ces charrettes sont aen wagon et aen charet.
Grâce à leur confection, 100 % bois, les charrettes de la rivière Rouge étaient faciles à réparer. En cas de bris, n’importe quelle essence locale pouvait être mise à contribution : peuplier, orme, saule, chêne du Manitoba. Bien que les arbres soient rares dans certaines parties des Prairies, on en trouve dans les coulées et aux abords des fleuves, des rivières et des ruisseaux. Désassemblées, sans les roues, et leur carène recouverte d’une bâche en cuir de bison, ces charrettes pouvaient aussi servir de radeaux pour traverser un cours d’eau.
Bien qu’il n’y ait pas de grandeur standard pour une charrette de la rivière Rouge, elle possédait typiquement une boîte qui mesurait quatre mètres de long, un mètre de haut et un demi-mètre de large. L’essieu mesurait deux mètres, et les roues de un à deux mètres de diamètre. Les brancards de quatre mètres chacun reliaient la boîte au cheval ou au bœuf. Les moyeux étaient généralement faits d’orme, les jantes de frêne blanc ou de chêne, et l’essieu d’érable franc. Toutes les pièces étaient assemblées à l’aide de babiche et de corde. En cas de bris, tout ce qu’il fallait pour le réparer était un bosquet d’arbres, une hache, une scie, un convoyeur à vis et une plane. Même les clous étaient en bois. Il arrivait parfois que les roues coincent complètement. Les charrettes de la rivière Rouge émettaient un crissement épouvantable, car on n’arrivait pas à lubrifier efficacement l’essieu et les roues sans amasser de la poussière. Une légende autochtone raconte d’ailleurs que les bisons auraient déserté les Plaines pour fuir ce vacarme!
Les charrettes de la rivière Rouge étaient à la fois véhicules tout usage et abris de fortune. Les familles les utilisaient pour transporter leurs biens lorsqu’elles migraient, ou encore le fruit des ressources qu’elles exploitaient. Elles pouvaient aussi s’en servir comme habitation temporaire ou comme abri contre les éléments. Les femmes décoraient les couvertures de cuir de bison ou de toile qu’elles fabriquaient pour les recouvrir. Celles-ci étaient maintenues par des arcs de gaules. En hiver, on pouvait poser des patins sous la boîte pour s’en servir comme traîneau. Les Métis utilisaient aussi leurs charrettes pour se défendre ; ils les disposaient en un cercle qui protégeait les femmes, les enfants et les animaux tandis que les hommes assuraient la défense.
Souvent, on attachait les charrettes ensemble pour former des trains qui reliaient les établissements; ce furent les premières voies de commerce dans l’Ouest canadien avant le chemin de fer. Une charrette de la rivière Rouge tirée par un seul cheval pouvait transporter autant de marchandises que quatre chevaux de bât, soit plus de 200 kilos, et parcourir jusqu’à 80 kilomètres par jour. Lorsqu’elles étaient tirées par des bœufs, ces mêmes charrettes pouvaient transporter jusqu’à 500 kilos de matériel sur environ 30 kilomètres par jour. On y mettait pemmican, cuir de bison, fourrures, mocassins, vêtements ornés en peau tannée, sucre, tabac, thé, poudre, plomb, balles, couvertures de la baie d’Hudson, chiffons, cinabre, haches, couteaux, limes, marmites de cuivre, armes et alcool.
En période de migration ou de récolte de ressources, les familles métisses emportaient leurs possessions dans des charrettes de la rivière Rouge.
Dans les années 1830 et 1840, tandis que les Métis prennent la voie du commerce indépendant, les charrettes de la rivière Rouge commencent à prendre le pas sur les barges d’York en termes de volume de marchandise. À partir de 1869, environ 2 500 charrettes parcourent la route allant de l’établissement de la rivière Rouge à Saint Paul (Minnesota), qui se trouvait hors du territoire de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Elles repartent ensuite vers Lac La Biche (Alberta), où la marchandise est chargée dans des barges d’York qui descendent la rivière Athabasca.
À l’avènement du chemin de fer, la charrette de la rivière Rouge perd en grande partie son utilité pour le transport de marchandises. Mais malgré la progression de la colonisation à l’ouest des Prairies, les Métis ont continué d’utiliser leurs charrettes pour approvisionner le marché en bois, racine de sénéca, os de bison et autres matières premières.
La charrette de la rivière Rouge constitue un important symbole pour les Métis et incarne leur sens des affaires. Aujourd’hui, on la voit sur certains de leurs drapeaux, dont celui de la Fédération des Métis du Manitoba. On la voit aussi sur divers logos, dont celui du Fonds de développement Clarence Campeau (établi par la Nation métisse de la Saskatchewan), de la Nation métisse de l’Alberta et de la Nation métisse de la Colombie-Britannique.
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