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atlas des peuples autochtones du Canada

La vision du monde des Métis

La langue michif a plusieurs manières de nommer Dieu et différentes épellations possibles pour ce faire, dont li Boon Jeu, Kische-manitou, Gitchi Manitoo et Not Kriiteur. La spiritualité des Métis est à l’image de la diversité même des peuples métis : beaucoup sont catholiques, d’autres adhèrent à une confession protestante importante, certains sont évangélistes, témoins de Jéhovah ou mormons; beaucoup d’autres adhèrent aux anciennes « religions indiennes », et certains mélangent chrétienté et spiritualité autochtone traditionnelle.

De nombreuses figures historiques de la Nation métisse pratiquaient un syncrétisme spirituel, mélangeant catholicisme et religions autochtones des Plaines. Gabriel Dumont, par exemple, était un catholique pratiquant, mais était aussi un gardien du calumet dans la tradition spirituelle des Autochtones des Plaines. De plus, on trouvait sur sa terre des charpentes de huttes de sudation dakotas. Il ne voyait aucune contradiction dans le fait d’adhérer à la fois au catholicisme et à la spiritualité des Autochtones, et cette pratique mixte était très courante dans les communautés métisses traditionnelles.

Le catholicisme traditionnel des Métis met l’accent sur le Créateur. Des prières de remerciement lui sont adressées chaque jour, et des offrandes lui sont laissées lorsqu’on prélève des ressources récoltées grâce à sa générosité. De plus, on raconte aux enfants des histoires mêlant tradition orale et spirituelle algonquine et catholicisme (particulièrement durant le carême) afin de les inciter à remplir leurs devoirs auprès du Créateur. La Vierge et les saints sont également vénérés, et des prières leur sont adressées pour solliciter leur intervention. Chaque année, divers sites de pèlerinages demeurent à ce jour très fréquentés, dont Saint-Laurent de Grandin, en Saskatchewan, et Lac Ste. Anne (Manitou Sakahigan), en Alberta. L’abstinence, le sacrifice de soi et les rituels de purification revêtent une importance particulière, surtout lors du carême et des sueries. La notion de « bonnes œuvres », surtout lorsqu’il s’agit de venir en aide aux personnes dans le besoin, tient un rôle particulièrement important.

Le respect des morts est une des pierres angulaires de la spiritualité métisse. La veille mortuaire suivant le décès d’un proche dure généralement quatre jours. Des prières et des offrandes sont faites aux ancêtres qu’on honore et dont on préserve le souvenir. Le jour des Morts (le 2 novembre) fait l’objet d’une cérémonie liturgique importante. Lors des festins, on dresse souvent une table complète, avec couvert et nourriture, pour les ancêtres. À la fin du repas, la nourriture est jetée au feu pour leur rendre hommage. Une croyance métisse veut que les aurores boréales, lii chiraan en michif, contiennent les âmes dansantes des morts. À cette occasion, les aînés disent qu’il ne faut jamais siffler, sous peine de voir les morts nous emporter. Cette croyance découle des cultures ancestrales métisses de racines crie et ojibwée.

La foi de beaucoup de Métis fut ébranlée par les abus subis dans le système scolaire des pensionnats indiens dirigés par l’Église. Malgré ces événements extrêmement graves et un processus de colonisation qui n’a jamais cessé, de nombreux Métis conservent leur spiritualité. De nos jours, beaucoup de jeunes et de Métis vivant en milieux urbains adoptent la spiritualité autochtone et participent à des sueries et à des cérémonies de purification.

Les aînés

Les aînés métis enseignent aux jeunes l’histoire, la culture et le mode de vie de leur peuple. En michif, on les appelle lii vyeu, « les anciens », ou encore Ahneegay-kaashigakick, « ceux qui savent ».

Dans les communautés, les aînées sont la principale source de connaissances historiques et culturelles. Autrefois, les événements n’étaient pas consignés par écrit, mais transmis de génération en génération par les aînés, selon la tradition orale. Cependant, toute personne âgée n’est pas considérée comme un aîné. Pour obtenir ce statut, une personne doit faire preuve de sagesse, se montrer attentionnée et montrer sa volonté de transmettre son savoir à sa communauté. Elle doit aussi mener une vie équilibrée, ne pas juger les autres et être perçue comme un aîné dans la communauté. Il existe différentes sortes d’aînés : certains sont guérisseurs ou sages-femmes, alors que d’autres sont dépositaires de la langue ou des récits, ou enseignent d’autres aspects du savoir traditionnel.

Le travail avec les aînés est toutefois soumis à un protocole strict. La diffusion des informations ou des récits qu’ils transmettent ne peut se faire qu’à condition d’obtenir leur permission et de leur en donner le crédit. Il faut toujours offrir un cadeau à un aîné pour le remercier d’avoir transmis sa sagesse, par exemple du tabac, quelque chose qui lui est utile ou agréable, ou alors de l’argent. Par ailleurs, les aînés font toujours l’objet d’un hommage lors des rassemblements publics et sont les premiers servis aux repas.

La toponymie

Comme d’autres peuples autochtones, les Métis ont leurs propres toponymes pour désigner les territoires et les plans d’eau. Toutefois, en raison de la colonisation et de l’établissement des Européens, beaucoup d’entre eux ont été perdus, remplacés ou anglicisés. La toponymie métisse se décline souvent dans une des langues traditionnelles métisses, comme le michif, le cri ou le français.

Parmi les éléments topographiques de l’Ouest canadien portant un nom métis, le plus remarquable est sans doute les « Cypress Hills » (collines Cypress). Ces collines, les plus hauts sommets du Canada à l’est des Rocheuses, étaient appelées « montagnes des Cyprès » par les chasseurs de bison métis en raison de la grande population locale de pins gris, qu’ils méprenaient pour des cyprès. Ce toponyme fut plus tard anglicisé pour devenir Cypress Hills.

Un autre de ces lieux célèbres de l’Ouest du Canada est le col Yellowhead, près de Jasper, en Alberta, qui partage son nom avec, entre autres, une célèbre autoroute de la région, la route transcanadienne à Yellowhead. Cela dit, le nom original de ce col était « Tête Jaune », en l’honneur de Pierre Bostonais, célèbre trappeur métis et iroquois à l’abondante chevelure blonde qui y a guidé la Compagnie de la Baie d’Hudson au début des années 1820.

En Saskatchewan, les Métis ont adapté le nom cri de la vallée, Kâ-têpwêt (« qui appelle? »), devenue la vallée de la Qu’Appelle. Ils ont aussi nommé une de leurs communautés des réserves routières, dont le territoire traverse la vallée sur la longueur, du nom de Katepwa.

Au sud-ouest du Manitoba et au nord-est du Dakota du Nord, un autre élément géographique d’importance, les collines Turtle (ou plateau des collines Turtle), portent aussi un nom originalement métis. En michif et en français, on appelait cette haute terre boisée « la montagne tortue ». Ce nom est aussi celui d’une célèbre chanson traditionnelle métisse en michif.

Le fait de revendiquer et de restaurer les noms de lieux traditionnels est important pour beaucoup de Métis. Un changement majeur a d’ailleurs eu lieu en 2007 quand la Commission des lieux et monuments historiques du Canada a accepté de changer le nom du lieu historique national de la bataille de Fish Creek (un emplacement d’un monument de la rébellion de 1885) à celui de la Coulée des Tourond, en reconnaissance du nom que donne à cet endroit la communauté métisse. Ce changement a fait suite à des pressions politiques substantielles exercées par la communauté métisse locale, l’Institut Gabriel-Dumont, l’organisme Friends of Batoche et Parcs Canada. Beaucoup de Métis se battent pour restaurer d’autres noms de lieux et pour les garder dans la mémoire.

Souvent, les changements de noms des lieux traditionnels métis sont historiquement documentés ou bien passés dans la tradition orale. Dans son autobiographie à succès Half-Breed, l’auteure métisse Maria Campbell parle notamment des environs de Nukeewin (« l’arrêt »), la réserve routière dans laquelle vivait sa communauté. C’était un endroit où les Autochtones s’arrêtaient avant de traverser Puktahaw Sipi (« rivière où on jette son filet ») pour accéder à leurs territoires de chasse et de trappe. En 1925, Nukeewin a été renommée Park Valley. En 1915, le gouvernement fédéral a décidé de transformer la région environnante  en un parc national (officiellement nommé le parc national de Prince Albert), ce qui avait entraîné le déplacement de nombreux Métis et Cris ainsi que le changement des noms autochtones des rivières et lacs locaux. Puktahaw Sipi, par exemple, est devenue la rivière Sturgeon et Notikew Sahkikun, le lac Mariah. Une telle suppression de la toponymie métisse s’est produite dans tout leur territoire.

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