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atlas des peuples autochtones du Canada

La tradition orale des Métis

Àl’instar des autres peuples autochtones, les Métis transmettent leurs histoires, légendes et souvenirs familiaux par la tradition orale. Dans tout le territoire de la Nation métisse, c’est le mode de communication privilégié, généralement par les aînés (ou « les anciens »), pour transmettre la culture.

L’aspect le plus connu de la tradition orale est sans doute l’art de raconter des histoires. Les récits traditionnels autochtones, y compris ceux des Métis, ont généralement une trame narrative non linéaire; contrairement aux récits européens, beaucoup n’ont ni début, ni milieu, ni fin. Ainsi, les histoires métisses sont ouvertes et peuvent être alimentées au fil des années. Elles ont plusieurs couches et sont polysémiques. Selon l’âge, elles peuvent donc être comprises de différentes manières. La tradition orale métisse transmet de précieuses leçons de vie. Un récit de Wiisakaychak (filou) humoristique peut, par exemple, comporter une leçon sur la gloutonnerie.

La tradition orale des Métis s’enracine dans leur spiritualité. Les récits de création, par exemple, sont généralement des histoires de filou. On raconte aux enfants des histoires de Roogaroo (loup-garou) ou de li Jiyaab (le diable) pour leur rappeler leurs devoirs envers le Créateur. Ces histoires maintiennent les cosmologies autochtones bien en vie. La tradition orale métisse a conservé la dimension spirituelle de ses origines ancestrales algonquines cries et ojibwées. De plus, les prières traditionnelles et les Actions de grâces des langues ancestrales métisses sont transmises aux familles et récitées dans des cadres très précis. Certains récits de la tradition orale ont un statut sacré et ne sont prononcés qu’en des circonstances très particulières et pour certaines personnes.

La tradition orale métisse joue un grand rôle dans la détermination des liens de parenté et l’établissement des généalogies. En effet, avant que celles-ci ne soient consignées par écrit, ces connaissances servaient à s’assurer qu’on n’épousait pas un membre de sa famille rapprochée. La responsabilité de connaître et de transmettre oralement les liens familiaux et communautaires incombait généralement aux femmes âgées. Ces informations servaient aussi à baliser le territoire de trappe, de pêche, de chasse et de récolte de baies et de plantes médicinales des familles.

Les histoires ont plusieurs couches et sont polysémiques.

De génération en génération, la tradition orale a revêtu une importance cruciale dans la survie des familles. Les récits enseignaient par exemple l’emplacement des sources de nourriture ainsi que les méthodes d’exploitation des ressources et la manière de consommer les aliments. Ils transmettaient des savoirs très diversifiés, comme l’emplacement du chou-rave (navoos en michif), ou alors le meilleur moment pour chasser le gibier. La tradition orale est également intrinsèquement liée à la préservation de l’identité et de la cohésion des Métis. Les récits concernant la chasse au bison, la bataille de Seven Oaks (1816) et la bataille du Grand-Coteau (1851), en particulier, rappelaient aux Métis les efforts consentis par leurs ancêtres pour maintenir l’indépendance politique et économique de leur nation.

La tradition orale demeure vivante dans une société moderne dominée par le visuel; les récits font l’objet de romans, de poèmes, d’œuvres d’art et de films. Bien entendu, les peuples métis continuent de transmettre leurs histoires et leurs enseignements oralement. Les savoirs traditionnels de la communauté n’ont jamais été officiellement catalogués et sont toujours transmis par tradition orale, dans le cadre d’un processus grandement entravé par les pressions sociales et les politiques forçant l’assimilation, comme le régime des pensionnats et la rafle des années 1960.

Les récits métis

Les récits métis – lii koont et lii atayoohkaywin (contes et légendes) et lii zistwayr (histoires) – mêlent sans distinction les traditions cries, ojibwées et canadiennes françaises. La tradition narrative métisse a fusionné l’héritage rural français catholique et la tradition algonquine des plaines et des bois. Toutefois, même si les récits émanent indéniablement de ces cultures, ils sont interprétés différemment, ils ont évolué selon les besoins des Métis et ils reflètent leur vision particulière du monde.

Les histoires métisses traditionnelles parlent d’esprits malveillants cherchant à transgresser les règles du Créateur et de la société, et comportent des récits de création ou de moralité mettant en vedette le filou, lesquels sont souvent comiques, dans la plus pure tradition orale crie et ojibwée. Les filous métis, Wiisakaychak, Nanabush et Chi-Jean, sont des personnages foncièrement bons qui ont des faiblesses humaines comme la gloutonnerie et l’égoïsme. Ce sont les intermédiaires du Créateur auprès des humains, et leurs aventures expliquent le fonctionnement de la nature. Certaines histoires mettent en vedette un peuple enchanté de petites personnes (li p’tchi mound ou ma-ma-kwa-se-sak), des monstres lacustres, un ou une croque-mitaine (Kookoush et La Veille de la Carême), et des aurores boréales; des histoires incroyables et des contes de fées.

Mais les récits métis peuvent aussi s’avérer plutôt glauques lorsqu’ils concernent li Jiyaab (le diable), li Roogaroo, Whiitigo et Paakuk. Le loup-garou des Métis, le Roogaroo, tire son origine de deux traditions : le loup-garou canadien-français et le métamorphe cri. Les Roogaroos peuvent se transformer en chien noir, en cochon, en cheval ou en ours. Ce sont généralement de mauvaises personnes qui tournent le dos à Dieu. Ces histoires servent généralement à inciter les jeunes à rester sages, particulièrement pendant le carême. Les Whiitigos et les Paakuks, Pakahk ou Pakakosh sont, quant à eux, des êtres malveillants. Aussi connus sous le nom de Wehitigo, Whitako ou Windigo, les Whiitigos sont de monstrueux squelettes cannibales géants aux affreuses têtes blanches. Aussi appelés en michif Kaamoowachik ou « esprit cannibale », ils représentent le danger omniprésent de la famine dans un monde qui dépend de la chasse et de la cueillette. Il y a aussi des Whiitigos humains : des personnes possédées par des esprits malveillants qui posent de mauvaises actions. Les Paakuks, Pakahks ou Pakakoshs sont des squelettes volants qui représentent la maladie. Lors des soirées solitaires, ils aiment effrayer des personnes innocentes de leur rire démoniaque.

Beaucoup d’histoires métisses traditionnelles ont une composante catholique, comme l’illustrent les personnages li Jiyaab (le diable) et li Roogaroo. Li Jiyaab peut prendre la forme d’un grand et charmant étranger qui se présente aux personnes innocentes lors des soirées dansantes, séduisant les jeunes femmes par son aura mystérieuse, ses vêtements impeccables et son physique avenant. Beaucoup de conteurs métis considèrent aussi le chien noir comme aen Roogaroo. Li Jiyaab peut piéger les personnes, tant pour voler leur âme que pour leur jouer de simples tours, comme faire tourner le lait. Cette représentation du diable mêle la doctrine catholique et la version folklorique de cette religion qui représente le diable comme un filou polisson.

Les histoires des Métis ne sont pas de simples « croyances ». Elles font partie intégrante de la vision du monde des Métis. Les aînés (les anciens) y croient sans réserve. Chacune de ces histoires a un fond de vérité et il n’y a pas lieu de les discréditer à titre de simples mythes ou superstitions. Elles sont importantes pour les conteurs, car elles les relient aux aînés, à leurs ancêtres et à leur langue. Alors avis à toute personne qui s’intéresse aux récits métis : ceux-ci doivent être traités avec respect. L’aîné ou le conteur ne les raconte pas que pour vous divertir; il a une raison précise. De plus, avant de transmettre une histoire à votre tour, vous devez obtenir la permission de la personne qui vous l’a racontée. Se soustraire à cette règle représente une grave offense.

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