EN | FR

atlas des peuples autochtones du Canada

Colonialisme

Bon nombre, mais certainement pas la totalité, des traditions, valeurs, habiletés et connaissances qui unissent les Inuits ont été abandonnées à cause de demandes imposées par des gens de l’ extérieur. Les chasseurs de baleines, les commerçants de fourrures qui sont venus après eux, les missionnaires et, par la suite, le gouvernement voulaient tous quelque chose de nous en échange de ce qu’ ils étaient prêts à offrir. Petit à petit, le destin de notre culture et de nos vies nous a échappé.

Les chasseurs de baleines ont été les premiers étrangers à se rendre dans le Nord. Leur motif était économique : ils souhaitaient profiter de nos ressources. Les Inuits thuléens chassaient de grosses baleines, mais rien n’ indique que cette pratique n’ était pas durable. En effet, les explorateurs du détroit de Davis et de la baie d’ Hudson rapportaient avoir vu d’ immenses troupeaux de baleines, ce qui a incité les baleiniers commerciaux à s’ aventurer dans les régions arctique et subarctique.

La chasse intensive à la baleine entreprise par les Européens au début du 18e siècle a eu des répercussions directes sur la vie des Inuits de l’ époque. William Scoresby, un historien spécialisé dans la chasse à la baleine, décrivait en 1820 l’ intensité de cette pratique, faisant remarquer que de 1719 à 1778, un total de
3 161 navires hollandais s’ étaient adonnés à cette activité dans le détroit de Davis, sans compter ceux des autres pays.

En une seule saison, il pouvait y avoir 35 navires uniquement dans ce détroit. À cette époque, les baleiniers arrivaient à la débâcle et repartaient lorsque la glace se reformait. Les seuls baleiniers qui passaient l’ hiver en Arctique étaient ceux qui avaient été emprisonnés ou détruits par la banquise.

À partir de 1850, les habitudes de chasse à la baleine changèrent. Des stations côtières quatre saisons furent aménagées dans certaines régions, comme la baie Cumberland, ce qui amena une présence extérieure permanente en Arctique. Cette présence des baleiniers à longueur d’ année eut des conséquences nouvelles sur le commerce, sur l’ utilisation saisonnière du territoire et, dans une mesure possiblement plus grave, sur la santé des Inuits. En effet, les établissements quatre saisons ont multiplié les contacts entre les Inuits et les chasseurs de baleines européens, et les maladies introduites par ces derniers ont contribué à décimer la population inuite dans l’ Arctique. Ces maladies qui se sont propagées sur nos terres, comme la tuberculose, sont d’ ailleurs encore présentes aujourd’ hui. Elles ont ravagé notre société au fil des années. D’ autres « pratiques terribles » nous ont aussi nui, mais de manières différentes.

La chasse intensive à la baleine entreprise par les Européens au début du 18e siècle a eu des répercussions directes sur la vie des Inuits de l’époque.

Durant la seconde moitié du 19e siècle, après des années de surchasse, les Européens ont fini par dépasser le seuil de durabilité. Comme les populations de baleines étaient en déclin, la chasse commerciale n’ était plus profitable. Mais cela signifiait aussi que l’ une de nos principales sources de nourriture était en voie de disparition. Et la situation s’ est aggravée quand les baleiniers ont commencé, vers la fin, à chasser d’ autres petits mammifères marins, comme le béluga, le morse et même les gros phoques.

Au même moment, le marché de l’ huile de baleine et des produits connexes était en baisse. Certains capitaines et équipages de baleiniers décidèrent donc de trapper le renard. Ce fut le début de la traite des fourrures. Les chasseurs de baleines fournirent à nos ancêtres des pièges en acier et leur montrèrent à trapper le renard, puis à échanger ensuite les fourrures contre des crédits valables pour des fusils, des munitions et d’ autres biens. La transition vers l’ économie de la fourrure a duré environ 25 ans; l’ économie et la culture du trappage du renard n’ étaient donc pas très développées avant les années 1920. Ainsi, les deux premières décennies du 20e siècle ont été marquées par une importante transition vers l’ économie qui façonnerait le mode de vie des Inuits jusque dans les années 1990.

Coloured map showing the demographics in 1941
Une carte démographique officielle du ministère des Affaires indiennes de 1941. À noter : les données de population pour l’île de Baffin ignorent la majorité des Inuits.

La meilleure stratégie pour piéger le renard est de répartir de petits groupes sur un grand territoire appelé « ligne de piégeage ». Cependant, cette façon de faire avait tendance à diviser les groupes sociaux traditionnels des Inuits, réduisant ainsi le potentiel de coopération si essentiel à l’ acquisition et au partage de nourriture, d’ habiletés et de responsabilités sociales. Qui plus est, les endroits propices au trappage différaient souvent de nos aires habituelles de chasse et de cueillette. Les aînés qui se souviennent de cette époque expliquent aujourd’ hui que les décisions étaient prises uniquement par les commerçants de fourrures, qui exerçaient une emprise sur les Inuits en raison de leur pouvoir d’ accorder des crédits et de recouvrer des dettes.

La nécessité de se procurer des biens et de repayer des dettes, combinée à ce qui semble avoir été la peur de contredire les responsables des magasins, a fait en sorte que les chasseurs et leur famille se sont établis dans des territoires propices au trappage, mais pas nécessairement à la chasse. Éloignés de leurs sources de nourriture, ils sont devenus encore plus dépendants des postes de traite pour se nourrir et obtenir des ressources.

Les premiers missionnaires à se rendre dans le Nord, le long de la côte du Labrador, étaient les Frères moraves, qui ont établi une mission à Nain en 1771. L’ Église morave est d’ ailleurs toujours active dans cette région. Cependant, dans la plupart des autres régions, la première interaction directe avec les missionnaires a eu lieu seulement un siècle plus tard, puisque les missionnaires ont attendu la fin du 19e siècle pour étendre leur influence vers l’ est et d’ autres secteurs de l’ Arctique. Ils n’ avaient pas de rapport direct avec le gouvernement, sauf pour l’ éducation et, dans certaines localités, les services de santé.

La Gendarmerie royale du Canada (qui s’ appelait alors la Royale Gendarmerie à cheval du Nord-Ouest) a commencé à exercer un autre type d’ influence lorsqu’ elle a établi une présence dans l’ Arctique de l’ Est au début du 20e siècle. Les mandats différents des missions et de la police ont amené des conséquences distinctes pour les Inuits qui vivaient dans cette région à l’ époque. Dans le premier cas, il s’ agissait d’ une influence idéologique et dans le second, des effets de la loi. Les enseignements chrétiens des missionnaires ont considérablement changé la façon dont nous, Inuits, percevions et expliquions le monde, redéfinissant notamment la signification de la vie et de la mort.

Les missionnaires sont allés dans le Nord pour enseigner la religion chrétienne aux Inuits, mais le gouvernement a aussi profité de leur présence pour offrir des services rudimentaires d’ éducation et de santé. Ainsi, durant la première moitié du 20e siècle, l’ enseignement dans le Nord se faisait uniquement dans les écoles missionnaires. Quant au rapport entre les missions et les services de santé, il était encore plus direct.

On entend souvent dire des personnes non inuites que les missionnaires nous ont fait du tort. Mais les Inuits ont généralement une opinion différente : ils respectent leurs enseignements religieux et les autres rôles qu’ ils ont joués, surtout dans les débuts. Si certains Inuits se sont récemment tournés vers des religions plus fondamentales, d’ autres continuent de fréquenter les églises de leur enfance. Les enseignements des missionnaires font maintenant partie de notre vie et de notre culture, d’ une manière ou d’ une autre.

Quant aux services de la Gendarmerie dans le Nord, ils étaient au départ motivés par le respect de la loi et le maintien de l’ ordre, la protection des ressources biologiques de la région ainsi que la souveraineté territoriale. Les premiers postes ont été établis en 1903 dans l’ Arctique de l’ Ouest afin de démontrer la souveraineté du Canada dans le Nord. Quelques années plus tard, la Gendarmerie étendait sa présence dans l’ Arctique de l’ Est, aménageant des postes dans des endroits relativement stratégiques qui lui permettaient de contrôler l’ accès aux terres et aux eaux de l’ Arctique.

À cette époque, notre culture était très mal comprise. Les commerçants de fourrures, les missionnaires et la police croyaient simplement que c’ était à eux de gérer notre vie, et toujours selon leurs conditions, jamais les nôtres.

Commandez maintenant

sur Amazon.ca ou Chapters.Indigo.ca, ou communiquer avec votre libraire ou marchand éducatif préféré