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atlas des peuples autochtones du Canada

Changements climatiques

Les régions arctique et subarctique comptent parmi les régions du globe les plus directement touchées par les répercussions du réchauffement planétaire. Nous, les Inuits, reconnaissons que nos terres natales jouent un rôle central dans la régulation du système climatique de la planète. Déjà, notre rapport à l’ environnement a subi une profonde détérioration.

Cela fait plus d’ une décennie que les Inuits remarquent les effets locaux des changements climatiques et tentent d’ en alerter la population. Grâce à notre travail de recherche et de défense des droits, nous avons réussi à sensibiliser le monde à de nombreux changements climatiques que notre peuple observe et traverse dans l’ Inuit Nunangat. Nous avons montré comment les changements climatiques s’ ajoutent à la liste des facteurs de stress dont souffrent les peuples inuits dans un milieu dominé par les inégalités sociales, ce qui fait ressortir toute la dimension humaine du problème.

Tout en tâchant d’ aplanir les inégalités socioéconomiques qui nous touchent, nous avons œuvré pendant des années à consigner et à transmettre notre savoir sur la complexité de la transformation des conditions du Nord, notamment nos observations sur l’ état de la glace marine, les habitudes migratoires des animaux (oiseaux, mammifères et poissons), les voies de déplacement traditionnelles et l’ accès aux aliments traditionnels. Notre rapport à la nourriture change aussi – des habitudes de consommation aux méthodes de préparation et d’ entreposage.

Nous avons été parmi les premiers à donner un visage humain aux changements climatiques sans précédent qui sévissent dans le Nord. À cause d’ eux, les risques inhérents à nos terres natales ne font qu’ empirer. L’ état changeant des glaces et la météo imprévisible ont forcé des chasseurs chevronnés à adapter leurs techniques, ce qui est d’ autant plus justifié que les installations de sauvetage sont inadéquates. Nous nous inquiétons sérieusement de l’ avenir de nos jeunes, car la possibilité pour eux de s’ adonner à des activités de récolte en toute sécurité et de s’ instruire auprès des aînés sur notre mode de vie est de plus en plus menacée.

Nés pour la plupart dans l’ Inuit Nunangat, nos aînés ont assisté de leur vivant à la création d’ établissements permanents, lesquels dépendent aujourd’ hui de chaînes d’ approvisionnement ainsi que de sources d’ énergie et de chaleur à haute intensité carbonique. Leurs valeurs et leurs connaissances s’ ancraient dans un rapport à la nature qui était stable, tandis que leur mode de vie était réfléchi en fonction du froid et de la glace marine, fondamentale pour nous. Cette glace permet de remplir les ventres, mais aussi les esprits – de souvenirs, de connaissances et de sagesse.

A father and son drive a boat while wearing parkas
Kenny Tagarook et son fils Jason chassent les oies et les phoques près de l’ île Hershel, Inuvialuit.

Notre utilisation et notre occupation des terres, des glaces et des eaux des régions arctique et subarctique précèdent la rencontre avec les Européens, il y a de cela des milliers d’ années. Pendant des générations, au moyen de différentes études, nous avons pu garder une trace de notre utilisation et de notre dépendance à ces régions.

De multiples facteurs compromettent notre capacité à prospérer sur notre territoire : le recul sans précédent de la glace marine en été, la réduction de la glace marine en hiver, l’ acidification des océans, la hausse des températures et du niveau de la mer, la fonte du pergélisol, ainsi que la gravité des épisodes météorologiques et de l’ érosion côtière. La rapidité des changements climatiques menace notre accès aux aliments traditionnels (aliments sauvages récoltés sur la terre et dans l’ eau), alors même que trop de familles peinent à mettre quelque chose sur la table. Les cas d’ Inuits s’ enfonçant sous la glace – de plus en plus risquée – sont en hausse, en partie à cause du réchauffement climatique et des aléas de la météo. Selon des études, lorsque les Inuits sont coupés de leurs activités saisonnières traditionnelles, comme la chasse et la pêche, leur santé mentale et leur sentiment identitaire en pâtissent.

Notre utilisation et notre occupation des terres, des glaces et des eaux des régions arctique et subarctique précèdent la rencontre avec les Européens, il y a de cela des milliers d’années.

Ces dernières années, l’ étendue et l’ état de la glace marine de l’ Inuit Nunangat ont considérablement changé. La glace, dont l’ épaisseur moyenne ne cesse de diminuer, est principalement recouverte d’ une couche glacée plus récente et plus mince. Elle s’ affaisse plus tôt et gèle plus tard, ce qui prolonge la période de dégel.

La dégradation de l’ environnement naturel (disparition de la glace des mers, des lacs et des rivières, fonte du pergélisol, baisse des réserves et de la qualité de l’ eau, érosion côtière, etc.) nuit gravement aux infrastructures, menaçant notamment la stabilité de nos maisons et de l’ infrastructure publique, comme les routes et les voies de roulement. Il en résulte de lourdes conséquences pour la culture, la souveraineté, le bien-être mental et les moyens de subsistance des Inuits.

Les Inuits ont recours à une approche holistique pour comprendre les déterminants sociaux de la santé et les facteurs – comme les changements climatiques – qui influent sur ces déterminants. Il s’ agit entre autres des conditions rattachées à la naissance, au développement, au travail, à la vie et au vieillissement des Inuits, ainsi qu’ au vaste ensemble de forces et de systèmes (politiques économiques et sociales, systèmes politiques, etc.) qui régissent le quotidien de ce peuple.

Two men sit on sleds on the snow and drink tea
Issac Tassugat et Joamie Apak prennent une pause pour boire du thé, sur la rivière Clyde au Nunavut.

À cause des changements climatiques, les inégalités socioéconomiques observées chez les Inuits se creusent. Il nous faut donc tracer la voie à suivre en concevant des solutions adaptées aux besoins diversifiés des habitants de nos terres natales. Nous devons faire en sorte que les mesures prises atténuent les inégalités et mènent au développement de communautés viables, prospères et résistantes au climat. 

Quand les Canadiens verront le Nord comme le symbole de la lutte que mènent le pays et le reste du monde pour s’ adapter à la « nouvelle normale climatique », un impératif s’ imposera alors. Il faudra placer la vision qu’ ont les Inuits de l’ avenir de leurs terres natales au cœur de notre examen des nouvelles ressources et voies d’ expédition accessibles dans les régions arctique et subarctique – en pesant les pour et les contre. Pour nous, il est crucial que les Canadiens reconnaissent le rôle indispensable de notre peuple ainsi que nos idées pour nous adapter tout en beauté au « nouveau Nord ». Nous entendons bien faire connaître notre vision de l’ avenir de notre territoire ancestral.

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