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atlas des peuples autochtones du Canada

Après 1885 : la dispersion des Métis

La rébellion du Nord-Ouest a eu un effet pernicieux sur les Métis des Prairies. La bataille de Batoche, dernière de ces événements de la rébellion de 1885, est sans doute l’équivalent de la bataille des plaines d’Abraham dans l’Ouest : elle a assuré la domination coloniale anglo-protestante dans les Prairies canadiennes pour plusieurs générations. Cette bataille a eu des effets dévastateurs pour tous les peuples des Premières Nations de l’Ouest du Canada, qu’ils y aient participé ou non. Ils ont été cantonnés dans des réserves qu’on n’était autorisé à quitter qu’en se soumettant au tristement célèbre système de laissez-passer, puis leurs enfants ont été envoyés dans des pensionnats et des externats visant à les assimiler.

Après la rébellion du Nord-Ouest de 1885, beaucoup de Métis ont dû quitter leurs terres traditionnelles pour se disperser aux États-Unis, comme à Fort Belknap (au centre-nord du Montana), à Turtle Mountain (Dakota du Nord) ou à Lewistown (Montana). Certains se sont réunis pour former le noyau errant des bandes de Rocky Boy et Little Shell au Montana. Beaucoup y avaient déjà de la famille et y retrouvaient leurs terres ancestrales de chasse au bison. D’autres ont rejoint les zones de prairie-parc de ce qui constitue aujourd’hui la Saskatchewan et l’Alberta, la frontière sud du district de l’Assiniboia dans les Territoires du Nord-Ouest ou, plus tard, le sud de la Saskatchewan et le sud-est de l’Alberta. D’autres familles sont plutôt restées près de leur communauté d’origine, de leurs camps d’hivernage, des postes de traite de fourrure et des réserves autochtones.

Qu’ils aient participé ou non à la rébellion du Nord-Ouest de 1885, tous les Métis ont eu à faire des choix déchirants quant à leur place dans la société qui en a émergé. Même si seules quelques centaines de personnes ont pris les armes, la réputation de « rebelles » et de « traîtres » a atteint tous les Métis de la région. Ce stigmate et le racisme ambiant qui visaient les peuples autochtones ont forcé beaucoup de Métis de plusieurs générations à renier leur identité. Par conséquent, beaucoup ont dissimulé leur héritage métis et se sont plutôt dits « Français », « Canadiens français » ou « Écossais » pour échapper au racisme et assurer leur sécurité culturelle.

L’afflux de colons non autochtones qui a suivi la rébellion du Nord-Ouest et l’échec du régime des certificats ont grandement affecté le mode de vie traditionnel des Métis. La plupart ont beaucoup perdu au cours des mutations sociales et économiques qui ont marqué l’ouest des Prairies à la suite de cette immigration massive. Tout au long du XIXe siècle, les Métis avaient vécu dans une économie mixte, c’est-à-dire qu’ils avaient pratiqué l’exploitation saisonnière de la faune et de la flore ainsi que le travail agricole et salarié. À partir de 1885, toutefois, les Métis sont socialement, économiquement et politiquement marginalisés. Le plus souvent, ils ne possèdent aucun titre de bien-fonds ; conséquemment, ils ne payent pas de taxe, ce qui exclut leurs enfants du système scolaire. Cette marginalisation entraîne une myriade de problèmes sociaux : maladie, manque d’estime de soi, pauvreté, etc.

La marginalisation des Métis s’est articulée autour de l’enjeu de la domanialité. Le système frauduleux des certificats, dans le cadre duquel une énorme majorité de réceptionnaires n’ont pu garder la terre qui leur avait été promise (ou qui n’ont jamais pu l’obtenir), a dépossédé et déraciné bon nombre de Métis. Beaucoup ont loué une terre ou sont devenus ouvriers à la ville. Ceux qui ont pu garder la terre qui leur avait été concédée y ont habité quelque temps, mais ont fini par la perdre, n’étant pas en mesure de payer les taxes foncières, surtout durant la dépression des années 1930. Ce fut le cas pour les Métis de Cochin (Saskatchewan) et de Sainte-Madeleine (Manitoba).

C’est donc en conséquence du régime de certificats frauduleux que bon nombre de Métis – sans doute la plupart – n’ont jamais possédé leurs terres. Beaucoup ont squatté les zones bordant les routes de campagne ou vécu dans des réserves routières. C’est ainsi qu’on en est venu à les appeler le « peuple des réserves routières ». Certaines de ces communautés ont été établies par des Métis revenant des États-Unis. Celle de Round Prairie (autrefois « Prairie Ronde ») en Saskatchewan, par exemple, fut formée par des Métis ayant regagné le Canada entre 1903 et 1939. Durant la dépression, de nombreux Métis de cette communauté se sont établis près de Saskatoon. D’autres Métis du Dakota du Nord se sont plutôt établis dans la réserve routière de Crescent Lake Road près de Yorkton, en Saskatchewan.

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