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atlas des peuples autochtones du Canada

Zones protégées

Jacinda Mack est d’ ascendance secwepemque et nuxalkmque. Son travail est axé sur la protection des territoires et des cours d’ eau autochtones. Elle vit actuellement dans la communauté de Xat’ súll, à Secwepemculecw.

La relation étroite qu’ entre-tiennent les Autochtones avec la terre et l’ eau se manifeste dans leur langue, leurs cérémonies, leurs rapports familiaux et leur vision du monde. Leur culture est fondée sur les engagements et les responsabilités prises au profit des générations à venir, à commencer par la protection et la préservation de lieux sacrés, comme les frayères de saumon, les aires de mise bas des orignaux, les sources d’ eau douce, les territoires de cueillette d’ aliments et d’ herbes médicinales, et les lieux de cérémonie et de sépulture. Mais certains de ces lieux sont également riches en minéraux et en métaux, que les entreprises et les gouvernements voudraient extraire, sans égard pour le caractère sacré et nourricier de la terre qu’ honorent les Autochtones.

En 1865, la population de la Colombie-Britannique, alors une nouvelle colonie, était de plus de 30 000 habitants, alors qu’ elle en comptait environ 7 000 au départ. Cet essor était majoritairement dû à l’ arrivée de mineurs cherchant à faire fortune au cœur du territoire secwepemc. Dans la foulée de cette ruée vers l’ or s’ est rapidement établie la communauté de Barkerville. Mais les mineurs introduisirent dans la région de nombreuses maladies qui menèrent à l’ annihilation presque totale des Autochtones, et des nations entières furent ravagées par la variole, la rougeole et la tuberculose. Pour les communautés autochtones, la ruée vers l’ or fut synonyme d’ épidémies, de déplacements et de mort.

Systématiquement, les Autochtones qui survécurent à ces calamités furent entassés de force dans des réserves indiennes par les dirigeants de la nouvelle colonie, trop heureux de les arracher à leurs territoires riches en ressources et de briser la résistance opposée par leurs chefs, qui se dressèrent contre l’ occupation illégale de leurs terres. S’ ensuivirent des politiques d’ assimilation qui obligèrent les enfants à fréquenter les pensionnats indiens, les arrachant à leur mode de vie traditionnel dans une tentative de rompre leurs liens avec leur identité territoriale.

Pendant que les nations autochtones tentaient de survivre, des entrepreneurs succédèrent aux mineurs dans les champs d’ or et se mirent à offrir dans la colonie naissante leurs biens (vivres, whisky, outils, matériaux de construction) et services (bordels, transport, infrastructures).

En Colombie-Britannique, les lois qui régissent l’ exploitation minière prévalent, tant par leur ancienneté que par leur statut, quant à presque toutes les questions d’ utilisation du territoire dans la province. Ces lois ont été créées dans le contexte de la ruée vers l’ or et ont servi à générer des royautés pour une nouvelle colonie. Bon nombre de lois datant des années 1850 sur le jalonnement en libre accès et le lavage de l’ or à la battée sont encore en vigueur aujourd’ hui, malgré la croissance exponentielle des mines à ciel ouvert contemporaines et au détriment des valeurs ancestrales ou des détenteurs de titres. Elles sont désuètes et vont à l’ encontre de la vision du monde et des modes de vie autochtones, qui sont intimement liés à la terre. En dépit des lourdes politiques d’ assimilation, les pratiques traditionnelles de la chasse, de la pêche, de la cueillette et des cérémonies, tributaires de l’ accès à une terre et à des cours d’ eau propres et intacts, sont toujours vivantes.

Catastrophe du mont Polley (2014)

Le 4 août 2014, une rupture catastrophique des bassins de résidus miniers d’ une mine du mont Polley, exploitée par Imperial Metals, a entraîné le déversement de plus de 24 millions de mètres cubes de déchets (particules de roche broyée, eaux usées et produits chimiques) dans les eaux poissonneuses du lac Polley, du ruisseau Hazeltine et du lac Quesnel. Les résidus miniers ont déferlé le long du flanc de montagne, dévastant la forêt ancienne et découvrant le sous-sol rocheux sur environ 10 kilomètres, avant de se déverser dans la nourricerie de saumon et d’ aller, par la suite, compromettre le bassin hydrographique du fleuve Fraser.

Les Secwepemcs appellent le plus grand lac du territoire Yuct Ne Senximetkwe, les eaux où naît le saumon. Ils ont vécu l’ événement comme un décès, et craignent pour l’ avenir de l’ eau saine, et le sort du saumon, des oiseaux, de la faune et des êtres humains qui peuplent le bassin. Pire catastrophe environnementale de l’ histoire canadienne, le déversement a forcé l’ État et l’ industrie minière à regarder en face la nécessité de réformer en profondeur les lois et les pratiques minières pour prévenir qu’ une telle atrocité se répète dans l’ une des mines en activité ou fermées qui se comptent par milliers au Canada. C’ est ce que les Autochtones réclament depuis longtemps.

Les communautés autochtones touchées directement par la catastrophe, notamment les Secwepemcs, les Dakelhs, les Tsilhqot’ ins et les St’ át’ imcs – toutes situées dans le même bassin du fleuve Fraser et dépendantes du saumon –, ont fait valoir l’ importance de leur inclusion dans la réponse et le processus décisionnel du gouvernement. Mais malgré la forte indignation de la population et les pressions considérables des peuples autochtones, c’ est à peine si les lois de la province sur l’ exploitation minière ont été modifiées dans les trois années sui-vant le déversement, et elles continuent de protéger les intérêts des entreprises minières au détriment de la santé, de la sécurité et de la pérennité des habitants du bassin du fleuve, et au-delà. Après avoir fait enquête, le gouvernement libéral provincial a recommandé qu’ aucune amende ne soit infligée à l’ entreprise responsable du désastre.

Le 4 août 2017, date limite pour intenter des procédures contre la Mount Polley Mining Corporation (MPMC), une filiale d’ Imperial Metals, Bev Sellars, défenseure des droits autochtones et ancienne chef de la Première Nation Xat’ súll, a pris les choses en main : elle a porté elle-même des accusations au criminel contre l’ entreprise responsable de la catastrophe du mont Polley, invoquant 10 violations de l’ Environmental Management Act, et cinq de la Mines Act, deux lois provinciales. Dans un communiqué annonçant la poursuite, elle déclare : « Nous ne pouvions pas nous avouer vaincus. Dans ma culture, nous avons la responsabilité sacrée non seulement de faire attention à la terre, aux cours d’ eau, aux animaux et aux êtres humains qui sont là aujourd’ hui, mais aussi de penser aux sept générations à venir. Je ne pouvais me résoudre à regarder la province baisser les bras et faillir à son obligation de protéger l’ environnement et les cours d’ eau que nous partageons. »

Compétence, aménagement des collectivités et zones protégées autochtones

Réserve de la biosphère The Tsá Tué, le premier site du genre de l’ UNESCO administré par une communauté autochtone.

Après plus de 150 ans de dépossession territoriale et de litiges devant les tribunaux pour faire valoir leurs droits et leurs titres ancestraux, les Autochtones en sont aujourd’ hui à planifier l’ utilisation de leurs territoires, à établir des parcs et des zones protégées, et, dans le cadre de nouveaux programmes des gardiens autochtones, à réaliser un inventaire des terres et des études de référence sur les terres et les cours d’ eau. Quant à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, elle demeure au centre des discussions entre l’ industrie, les gouvernements et les Autochtones. Le principal point d’ intérêt est l’ article 10 portant sur le consentement libre, préalable et éclairé quant à l’ expulsion ou à la réinstallation des peuples autochtones, qui sont désormais partie prenante des délibérations. C’ est un énorme pas de franchi depuis le mépris des droits et les politiques d’ assimilation de jadis.

En mai 2017, lors d’ une consultation du Groupe de travail de l’ ONU au sujet des entreprises et des droits de l’ homme qui a eu lieu à Williams Lake, en Colombie Britannique, des représentants autochtones ont parlé du non-consentement envers les projets industriels et des répercussions de la catastrophe du mont Polley sur les êtres humains. L’ ONU, dans sa réponse, a déclaré que le cadre de réglementation de l’ activité minière dans la province devait être « réformé de toute urgence pour satisfaire aux obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne ».

En cette ère où le non-respect des droits de la personne est reconnu et condamné, et où les nouvelles générations d’ Autochtones retrouvent force et vitalité en s’ ancrant dans la tradition, nous assistons à l’ émergence d’ un mouvement pour le remplacement des modèles d’ affaires non durables et des pratiques minières polluantes et dommageables pour la planète. Il reste beaucoup à faire, mais nous nous dirigeons lentement vers la reconnaissance et le respect des connaissances, du consentement, de la vision du monde et du leadership des Autochtones.

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