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atlas des peuples autochtones du Canada

Commerce

Christy Rochelle Bressette, ou Neta Noo-Ke Kwe (femme travaillante) de son nom anishinaabe, est mère, étudiante, professeure et membre de la Première Nation de Kettle et de Stony Point. En 2008, après avoir soutenu sa thèse sur l’ évaluation de la réussite de l’ éducation dans les communautés des Premières Nations par la recherche participative Meno-Bimaadziwin anishnaabe, elle est devenue la première Autochtone à obtenir un doctorat de l’ Université Western en sciences de l’ éducation.

Les récits autochtones, et particulièrement les histoires anciennes sur les débuts du commerce du silex, sont une mine de renseignements que l’ on ne retrouve nulle part ailleurs. La société anishinaabee reposait, et repose encore, sur la tradition orale; son histoire, sa culture, ses traditions et ses croyances sont préservées dans des récits, des légendes, des cérémonies et des chansons. Mon grand-père (mishoomis), David Bressette, était lui-même conteur. Chacune de ses histoires recelait des leçons et des enseignements précieux pour quiconque prêtait une oreille attentive et voulait apprendre.

L’ histoire des Anishinaabes de Wiiwkwedong remonte à bien plus loin que le 16e siècle et les premiers contacts avec les colons européens. Bien avant la colonisation, quatre peuples autochtones vivaient sur le territoire qui correspond aujourd’ hui au sud-ouest de l’ Ontario : les Anishinaabeg, les Hurons, les Neutres et les Haudenosaunees. Mon mishoomis m’ a souvent répété que nos ancêtres peuplaient ces terres depuis des temps immémoriaux, une affirmation que confirme l’ étude des anciennes pointes de flèche. En fait, des archéologues croient que cette partie de l’ Ontario est occupée depuis la fonte des glaciers, vers 9000 ans avant Jésus-Christ. Les premiers habitants, nos ancêtres, se seraient donc bel et bien établis sur le territoire à une époque révolue.

Brandy George, de la Première Nation de Kettle et Stony Point, dans le sud-ouest de l’ Ontario, est la toute première archéologue autochtone de la province. Dans l’ ouvrage Being and Becoming Indigenous Archaeologists, elle insiste sur l’ importance que joue la tradition orale dans la préservation des connaissances :

« Chez les Anishinaabeg, l’ histoire, les récits et les enseignements sont transmis à l’ oral et non à l’ écrit. Selon la croyance, si une information est assez importante, on s’ en souviendra et on en tirera des apprentissages. Ce n’ est qu’ au cours des dernières décennies qu’ on a commencé à écrire les histoires pour les communiquer. J’ ai vécu l’ expérience surprenante et hautement gratifiante de trouver, lors de recherches sur l’ histoire de ma propre famille et de ma communauté dans le cadre d’ un projet archéologique, de nombreuses histoires qu’ on m’ avait racontées quand j’ étais enfant. »

Pointes Meadowood provenant du Sud de l’ Ontario et datant de 900 à 500 avant notre ère.

L’ histoire des pointes de flèche

Petite, à Wiiwkwedong, je suivais à pied le tracteur de mon mishoomis lorsqu’ il pulvérisait le sol à la herse après une averse, sachant que je repérerais facilement dans le sillage des pointes de flèche en silex fraîchement déterrées et nettoyées par la pluie. J’ étais absolument fascinée par le spectacle du premier rayon de soleil à se refléter sur un ancien artefact qui avait passé plus de 10 000 ans sous terre. Les pointes, adroitement façonnées par les tailleurs de silex, se distinguaient par leur couleur et leur éclat; certaines étaient blanches ou gris pâle, d’ autres, bleu-gris ou roses. Elles étaient recouvertes d’ une patine, une couche qui se forme graduellement sur certaines surfaces au contact de l’ oxygène, et semblaient provenir de la période du Sylvicole inférieur (de 1000 à 300 ans avant Jésus-Christ).

Le commerce du silex

Bruce George, aîné de Wiiwkwedong et collectionneur de longue date de pointes de flèche, raconte que, selon des récits oraux qui circulent depuis fort longtemps, les premiers peuples à occuper le territoire avaient été attirés par la qualité du silex et par son accessibilité le long des affleurements rocheux que les glaciers avaient laissés derrière eux. Ces affleurements se trouvant à proximité des cours d’ eau, le silex était par ailleurs facile à transporter. D’ après les recherches géologiques et anthropologiques de l’ anthropologue Liam Richard Browne, la chaille de Kettle Point, une concrétion de quartz semblable au silex, ne se retrouvait nulle part ailleurs à l’ état naturel aux environs du lac Huron. Différents peuples autochtones l’ ont utilisée pendant des milliers d’ années.

C’ est une fierté pour notre communauté que Wiiwkwedong ait été, grâce à son silex, un arrêt fréquent sur la plupart des routes commerciales autochtones, ce qui nous a permis, à l’ époque, de tisser des liens avec de nombreux peuples. Aux dires de certains chercheurs, alors que d’ autres communautés devaient se contenter d’ outils de pierre, le silex nous procurait les mêmes avantages qu’ une industrie sidérurgique perfectionnée. Les archéologues, d’ après une série d’ artefacts trouvés dans tout le sud de l’ Ontario, sont en mesure de confirmer la véracité des récits oraux autochtones indiquant l’ existence d’ un commerce répandu du silex. Ils supposent également que certains groupes traquaient le caribou au nord en été, et au sud en hiver. Ces découvertes confirment la grande importance historique du silex, notamment comme objet de commerce.

L’ importance intemporelle des relations familiales

Des découvertes archéologiques confirment l’ existence, tout au long du Sylvicole inférieur, d’ un vaste réseau commercial qui couvrait une portion considérable du nord-est de l’ Amérique du Nord. À cette époque apparaissent des outils fabriqués par des spécialistes hautement qualifiés : les tailleurs de silex. Les pointes de flèche qui ont été retrouvées semblent avoir été taillées exclusivement par une petite élite avant de devenir des biens de commerce. Il est évident que les tailleurs, par leur travail, subvenaient aux besoins de leur famille et de toute leur communauté. Notre attachement profond à la famille nous vient de nos ancêtres, comme en témoigne le mobilier funéraire découvert dans les sépultures datant de cette période.

Selon mon mishoomis, le commerce du silex était une occasion de contact entre les anciens peuples, ce qui a probablement mené au développement de dynamiques familiales, d’ échanges culturels et d’ alliances politiques. Peter Storck, archéologue et conservateur principal émérite au Musée royal de l’ Ontario, affirme dans ses recherches que le commerce du silex a bel et bien eu une influence sur les interactions sociales entre les peuples de l’ époque, et soutient qu’ en examinant les types de chaille (silex) importées dans les différentes régions, nous serions en mesure de recueillir de l’ information sur les déplacements des groupes autochtones, leurs habitudes de commerce et les relations qu’ ils entretenaient avec d’ autres groupes.

Respect de l’ environnement

Mon mishoomis m’ a montré qu’ une analyse minutieuse des différents types de pointes de flèche et de leur utilité peut révéler bien des histoires et des réalités anciennes, notamment en ce qui a trait à l’ environnement, au climat, aux lieux habités, à la nature du gibier et aux méthodes de chasse, de même qu’ aux climats social et politique. Et comme de fait, les découvertes anthropologiques peuvent nous aider à valider de nombreux aspects de la vie et de la réalité de l’ époque. La tradition orale autochtone, transmise depuis des millénaires, nous révèle que nos ancêtres respectaient l’ environnement. Et nous continuons, encore aujourd’ hui, de tirer des enseignements de leur immortelle sagesse.

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