EN | FR

atlas des peuples autochtones du Canada

Parler pour faire triompher la vérité : Les horreurs du pensionnat Saint-Anne

Le pensionnat de Fort Albany, aussi appelé pensionnat Saint-Anne, a été le théâtre de certains des cas de maltraitance d’ enfants autochtones les plus atroces jamais vus au Canada. L’ école a ouvert ses portes en 1911, sous la direction de l’ ordre des Oblats de Marie Immaculée et des Sœurs grises de la Croix (maintenant les Sœurs de la Charité d’ Ottawa) et grâce au soutien financier et administratif du gouvernement fédéral. Situé à l’ origine près de la mission de Fort Albany sur l’ île Albany (Ontario), dans la région visée par le Traité de la baie James (Traité no 9), le pensionnat a été déplacé sur la rive nord de la rivière Albany en 1932, après 10 ans de retard sur le chantier. Quand les enfants y ont été transférés, les travaux n’ étaient pas encore finis. L’ école a brûlé en 1939, puis a été rebâtie.    

Les pensionnaires venaient de communautés des Premières Nations avoisinantes : Fort Albany, Attawapiskat, Weenusk, Constance Lake, Moose Fort et Fort Severn. C’ est beaucoup plus tard, une fois les survivants devenus adultes, que les terribles cas de maltraitance survenus au pensionnat ont commencé à circuler dans les médias de masse. Edmund Metatawabin, ancien chef de la Première Nation de Fort Albany, est de ceux qui ont raconté leur histoire : il est devenu le porte-parole d’ autres Autochtones qui ont aussi été victimes, entre ces mêmes murs, d’ un sentiment d’ aliénation et d’ agressions répétées d’ ordre physique, émotionnel et spirituel. En 2014, M. Metatawabin a fait part de son expérience dans l’ ouvrage Up Ghost River: A Chief’ s Journey Through the Turbulent Waters of Native History :

Après être allé à la chapelle, je suis descendu à la salle à manger […]. J’ ai fait la file pour mon bol de gruau et, quand je suis arrivé au bout, celui qui servait les portions m’ a regardé en secouant la tête […]. Il s’ est baissé pour ramasser un bol : c’ était la vieille bouillie de la veille, où flottaient des morceaux de vomi. Il m’ a dit : « Finis ça d’ abord, puis tu auras ton déjeuner ». [TRADUCTION LIBRE]

– Extrait de l’ ouvrage Up Ghost River: A Chief’ s Journey Through the Turbulent
Waters of Native History, p.  92.

…certains des cas de maltraitance d’ enfants autochtones les plus atroces jamais vus au Canada.

Children in a classroom reading with a nun supervising
Pensionnaires en période de lecture.

Dans les années 1980, alors que M. Metatawabin travaillait sur son projet de maîtrise, on lui a demandé de revenir à Fort Albany, sa communauté natale, pour devenir chef. Il a accepté et, durant ses 10 ans à la tête de la communauté, il s’ est consacré à soigner les maux infligés à son peuple par le personnel du pensionnat Saint-Anne, sentant chez eux un urgent besoin de guérir. En 1992, il a organisé une réunion rassemblant les survivants du pensionnat pour parler des faits et des séquelles laissées sur la communauté. Les révélations issues de ces échanges et des témoignages qui s’ en sont suivi ont déclenché une enquête de cinq ans menée par la Police provinciale de l’ Ontario, au terme de laquelle plusieurs enseignants et administrateurs de l’ établissement ont été arrêtés et déclarés coupables.

Les documents de l’ enquête n’ ont été rendus publics qu’ en 2014, après que la Cour supérieure de justice de l’ Ontario a sommé le gouvernement fédéral de les divulguer aux survivants et à la Commission de vérité et réconciliation. Les survivants ont avancé qu’ on les privait de la totalité des indemnités auxquelles ils avaient droit, n’ ayant pas accès à tous les dossiers de l’ enquête policière faisant état de la gravité des nombreuses agressions sexuelles et physiques survenues au pensionnat Saint-Anne.

Dans les documents, on rapporte des cas d’ enfants enfermés dans le sous-sol de l’ école pendant des jours, forcés de porter des sous-vêtements sales sur leur tête durant des heures et contraints de manger leur propre vomi. Pour les punitions corporelles, le personnel utilisait des fouets métalliques et un autre instrument, lequel s’ avère l’ élément le plus choquant ressorti des témoignages : une chaise électrique artisanale, dont le personnel se servait bien souvent pour s’ amuser. Les enfants assistaient généralement à l’ électrocution de leurs camarades. M . Metatawabin se remémore ce qu’ il a vécu :

J’ ai agrippé les bras de la chaise aussi fort que j’ ai pu. Le regard posé sur la main du frère Goulet qui tournait la manivelle, j’ ai senti une douleur foudroyante me brûler des mains aux jambes. Le souffle coupé, j’ ai essayé de dégager mes bras. Mais rien à faire. Je sentais mes jambes s’ agiter devant moi.  La douleur s’ est calmée pour revenir, plus forte encore : c’ était comme sombrer dans la glace. Je gigotais dans tous les sens, à un point où mes dents s’ entrechoquaient. Je gardais les yeux fermés, parce que je ne voulais voir personne : je savais que j’ avais l’ air ridicule. [TRADUCTION LIBRE]

– Extrait de l’ ouvrage Up Ghost River: A Chief’ s Journey Through the Turbulent Waters of Native History, p.  92.

Sans les efforts assidus et persévérants des survivants, l’ horreur des mauvais traitements subis par les jeunes Autochtones du pensionnat Saint-Anne aurait été oubliée, et les survivants n’ auraient pas reçu une juste compensation pour la tragédie qui a marqué leur enfance. Leur long combat pour la justice et la pleine reconnaissance de ce qu’ ont vécu les anciens pensionnaires illustre parfaitement la résistance sans faille des Autochtones contre les tentatives d’ assimilation passées et la négation de la gravité des maux causés à des milliers d’ enfants et de citoyens.

Commandez maintenant

sur Amazon.ca ou Chapters.Indigo.ca, ou communiquer avec votre libraire ou marchand éducatif préféré