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atlas des peuples autochtones du Canada

Origines

David Wolfman est membre de la Première Nation des Xaxli’ ps, établie près de Lillooet, en Colombie-Britannique. Il est chef cuisinier, professeur, animateur et producteur de télévision, et auteur d’ un livre de recettes.


Marlene Finn est métisse, et conseillère en éducation autochtone, préparatrice de programmes d’ études et auteure. Elle est aussi la femme et partenaire d’ affaires de David. Sa famille vient du sud de la Saskatchewan.

« Nous sommes les propriétaires légitimes de notre territoire tribal. […] Nous avons toujours habité dans notre pays. Nous ne l’ avons jamais déserté ni cédé. […] Nos ancêtres ont possédé ce pays durant des siècles avant l’ arrivée des Blancs. Il est tel qu’ il était hier, lorsque les Blancs sont venus, et tel qu’ il était avant-hier, lorsque les premiers marchands de fourrures sont venus. » Ces paroles sont celles des leaders des St’ át’ imcs, un peuple plus tard appelé « Lillooet ». Ils ont fait cette déclaration officielle au gouvernement fédéral en 1911 pour revendiquer leurs droits territoriaux sur leur territoire tribal. Ce dernier se trouve dans la région canadienne que les géographes nomment le Plateau, soit un terrain plat surélevé entre la chaîne Côtière de la Colombie-Britannique et les montagnes Rocheuses, dans le sud de la province.

Les St’ át’ imcs s’ identifient comme les premiers habitants du territoire délimité par les ruisseaux Churn et South French Bar au nord; les eaux d’ amont de la rivière Bridge au nord-ouest; la vallée du ruisseau Hat au nord et à l’ est; le mont Big Slide à l’ est; l’ île du lac Harrison au sud; et les eaux d’ amont des rivières Lillooet et Ryan ainsi que du lac Black Tusk, à l’ ouest du fleuve Fraser. Dans la langue des Salishs du continent, on dit Ci wa lh kalth ti tmicwa (la Terre nous appartient); nous sommes le Ucwalmicw (le Peuple de cette Terre).

C’ est là que ma mère est née et a grandi. Lorsque j’ étais enfant et que nous habitions à Toronto, elle me parlait de cet endroit, mais je n’ arrivais pas vraiment à mettre des images sur ses mots. La première fois que j’ ai vu ces terres, c’ était à l’ âge adulte. Je suis allé à Lillooet avec ma femme un été, des années après que ma mère eut rejoint le monde des esprits, et plus d’ un siècle après que le chef des St’ át’ imcs eut rédigé la Déclaration de la tribu de Lillooet, en 1911. En chemin vers le lieu natal de ma mère, la réserve des Xaxli’ ps (anciennement appelés « la bande de Fountain »), je ne savais plus où donner de la tête : la forêt boréale, les montagnes, les vallées, les lacs et les rivières contrastaient avec les voies ferrées et les collines gris-brun ponctuées de souches d’ arbres noircies par un récent feu de forêt. Derrière moi, des conducteurs klaxonnaient pour que j’ accélère, mais c’ était impossible; entre les virages en épingle de la route, les panneaux d’ avertissement d’ éboulements rocheux, les camions remplis de billots, et les falaises escarpées surmontant des rochers tranchants et le fleuve Fraser, les distractions étaient trop nombreuses. Je ne peux imaginer comment les gens vivaient et voyageaient dans ces montagnes avant que les autoroutes ne soient construites. Mais je comprends mieux pourquoi ma mère a été si marquée, enfant, par les excursions familiales à la ville de Lillooet.

Ci wa lh kalth ti tmicwa
(la Terre nous appartient);
nous sommes le Ucwalmicw
(le Peuple de cette Terre).

Durant mon voyage dans l’ Ouest, mes cousins ont pris grand plaisir à nous faire découvrir leurs aires traditionnelles de pêche sur le fleuve Fraser, là où depuis des générations on pêche chaque été le saumon et on le fait sécher au vent, sous le soleil brûlant. Art Adolph, un ancien chef xaxli’ p avec qui je suis parent, nous a raconté des légendes et des histoires, et transmis des enseignements traditionnels sur le saumon. Par exemple, la floraison des boutons-d’ or et des rosiers coïncide avec l’ arrivée de certaines montaisons de saumon dans les eaux du territoire, et la sauterelle émet un cliquetis particulier qui indique le bon moment pour faire sécher le saumon au vent. De toute évidence, le retour du saumon chaque année et la réhabilitation annuelle des aires de pêche sont une source de renouveau et d’ autonomie pour les St’ át’ imcs, qui perpétuent leurs pratiques de pêche traditionnelles et cycliques.

Carte du territoire st’ át’ imc dans l’ actuelle Colombie-Britannique.

Lors de notre passage, l’ ancien chef nous a emmenés voir les ruines du village qui se trouvait autrefois au ruisseau Keatley, où mes ancêtres ont construit leurs premières résidences hivernales, il y a 4 800 à 2 400 ans. Il y avait de multiples dépressions circulaires partout dans la clairière. On aurait dit une piste d’ atterrissage pour vaisseaux extraterrestres. Il nous a expliqué que ce que nous voyions, c’ était les derniers vestiges d’ habitations semi-souterraines datant de l’ époque préhistorique. Les familles de St’ át’ imcs creusaient un trou et solidifiaient les parois et le toit à l’ aide de piquets de bois insérés en biais, qu’ ils recouvraient ensuite de tapis tissés et de terre. Elles fabriquaient aussi des échelles en bois qui permettaient aux hommes de circuler par le trou de fumée du toit, et aux femmes d’ utiliser l’ entrée sur le côté. Les familles restaient dans ces habitations d’ une génération à l’ autre. Aujourd’ hui, on les appelle « maisons semi-souterraines », mais dans la langue de ma mère, elles s’ appellent s7ístken (se prononce « she-ish-t-ken »). Il était sûrement difficile de cuisiner, de manger, de dormir et d’ habiter partiellement sous terre durant plusieurs mois consécutifs, pour se protéger du vent et de la neige. L’ arrivée du printemps devait être une grande source d’ excitation et de célébration : on pouvait enfin se déplacer pour la saison de chasse, pêcher le saumon et vivre sur terre, dans des abris couverts de tapis.

Ma mère ne m’ a jamais parlé des débuts de l’ histoire de son peuple, probablement parce qu’ elle n’ en savait rien. Mais c’ était son peuple, et c’ est donc le mien aussi. Aujourd’ hui, c’ est ce qui me vient à l’ esprit lorsque j’ achète du saumon à l’ épicerie et que je le cuisine. Je me demande d’ où il vient, en contemplant par la fenêtre le gazon de ma cour, songeant à ce dont il aura l’ air dans 4 800 ans.

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