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atlas des peuples autochtones du Canada

Éducation

Tracy Coates (J.D., M. Env.) est une éducatrice et consultante d’ascendance mohawk et galloise. Elle se spécialise dans les savoirs, la pédagogie, les méthodes de recherche et les lois autochtones. Elle est professeure à l’Université d’Ottawa, où elle s’occupe du programme d’études autochtones, et elle endosse fièrement les rôles de mère, d’épouse, de fille, de petite-fille, de tante et de membre de sa communauté.

Au cours de la décennie 1490, les Autochtones qui peuplaient les Amériques commencèrent à tomber face à face avec des colons européens débarqués sans permission sur leurs terres et territoires. Mais ce qu’ omettent les livres d’ histoire, dans tout leur eurocentrisme, c’ est que ces colons ont trouvé, à leur arrivée, des civilisations autochtones pour la plupart fortes et prospères. En effet, avant d’ entrer en contact avec les Européens, les sociétés autochtones qui occupaient le continent étaient dotées d’ économies, de structures de leadership et de systèmes de connaissances élaborés. Et ces systèmes de connaissances étaient, comme ils le sont encore, dynamiques, adaptables, basés sur le principe que toutes choses sont liées et ancrées dans la collectivité, sans compter qu’ ils étaient tout aussi complexes et organisés que peuvent l’ être les connaissances scientifiques.

Souvent, les systèmes de connaissances des Premières Nations étaient, à l’ image de bien des peuples autochtones, influencés par les liens qui les unissaient aux autres et à la terre, ainsi que par la communauté. Ils étaient centrés sur l’ équilibre physique, émotionnel et mental. Comme dans les sociétés occidentales d’ aujourd’ hui, les connaissances transmises et les méthodes et pratiques d’ enseignement (pédagogie) reflétaient et affirmaient la vision du monde, les croyances et les structures sociales et économiques de la communauté. C’ est justement le fait que ces systèmes étaient si intrinsèquement liés aux peuples amérindiens qui a poussé les colons et leurs gouvernements à les anéantir. Et c’ est pour cette même raison qu’ ils sont aujourd’ hui indispensables à la revitalisation des sociétés et des modes de vie autochtones.

Systèmes de connaissances : principes de pédagogie autochtone

Malheureusement, au Canada, les gouvernements, les églises et bien d’ autres se sont évertués pendant des décennies à faire disparaître les connaissances et la pédagogie des Premières Nations, et leur acharnement a laissé des marques considérables. Aujourd’ hui, peu d’ enseignants autochtones n’ ont pas été influencés par l’ eurocentrisme, en partie parce que des générations de professeurs ont eux-mêmes été formés dans un système raciste qui ne reconnaît pas la valeur des connaissances et de la pédagogie autochtones. Résultat : les aînés, les gardiens du savoir et les éducateurs qui connaissent et emploient les pratiques pédagogiques traditionnelles sont aujourd’ hui considérés comme des « trésors vivants de l’ éducation ».

Mais la situation pourrait changer grâce aux démarches de préservation et de revitalisation entreprises par des générations d’ érudits, de leaders, d’ aînés et de membres des communautés, un travail acharné qui commence à porter ses fruits. L’ enseignement et l’ apprentissage des savoirs et de la pédagogie autochtones sont des outils importants de décolonisation et d’ autochtonisation de l’ éducation. La place que l’ on fait à la pédagogie autochtone résulte en partie de nombreux appels à la réforme du système d’ éducation canadien et d’ un virage vers l’ enseignement inclusif. De tels mouvements ouvrent la porte à la compréhension et au respect des différents aspects du savoir et de la pédagogie autochtones qui viennent combler les lacunes d’ un système d’ éducation eurocentrique.

Les savoirs et la pédagogie autochtones sont complexes, mais ils reposent sur des notions simples. Ils favorisent un apprentissage par l’ expérience qui, tout en étant ludique, sert une visée importante : la responsabilisation envers soi-même et la société, un aspect essentiel du vivre ensemble.

Par ce système, les apprenants ouvrent les yeux sur leur relation avec le reste du monde. Leur bagage s’ enrichit au fur et à mesure qu’ ils sont amenés à confronter leurs propres préjugés. L’ apprentissage est considéré comme un processus sans fin orienté par l’ apprenant, et la relation entre le professeur et l’ élève est cruciale à l’ obtention de résultats individuels et collectifs.

Il est difficile d’ expliquer les savoirs et les méthodes pédagogiques autochtones dans leur ensemble; interreliés et mouvants, ils se prêtent mal à la simplification. Il y a autant de formes d’ enseignement que de Premières Nations au Canada. Comme l’ explique avec éloquence Marie Battiste, universitaire micmaque, « la connaissance étant un processus dérivé de la création, elle revêt un caractère sacré. Elle est intrinsèque et liée à tout ce qui fait partie de la nature, à ses créatures et à l’ existence humaine. L’ apprentissage est considéré comme une responsabilité à vie que chaque personne doit honorer pour comprendre le monde qui l’ entoure et éveiller ses aptitudes personnelles ».

Les connaissances et la pédagogie autochtones sont étroitement liées au développement de la personne et au bien-être collectif. Elles favorisent la responsabilité individuelle et la compréhension des rapports interpersonnels, et enseignent l’ importance d’ agir dans le respect pour entretenir des relations saines.

Réconciliation : Du pouvoir des Premières Nations de décider leur propre éducation

De nombreux pays, y compris le Canada, ont entrepris des démarches de réconciliation avec les nations autochtones. Mais malheureusement, les mesures prises par l’ État en faveur du droit inhérent des Premières Nations de gérer leur éducation ont une portée extrêmement limitée, et se résument, en pratique, à leur accorder un droit de regard administratif sur le curriculum et les moyens pédagogiques fédéraux. Autrement dit, les Premières Nations ont le loisir d’ enseigner à leurs enfants les savoirs et les façons d’ être et de faire… de leurs colonisateurs et des Canadiens!

Ce que j’ espère, c’ est qu’ à la longue, le double processus de décolonisation et d’ autochtonisation nous aidera à surmonter la longue succession de gestes vides posés par les gouvernements coloniaux. La décolonisation, c’ est-à-dire la détection et la déstabilisation des structures coloniales, crée un espace pour les savoirs et les façons d’ être et de faire autochtones. Quant à l’ autochtonisation, elle se produira lorsque les Autochtones décideront eux-mêmes comment utiliser cet espace, par exemple en déterminant que faire des territoires qui leur ont été restitués, quoi enseigner aux enfants des Premières Nations, ou comment vitaliser leurs valeurs et leurs sociétés à l’ aide de leurs propres approches d’ enseignement et d’ apprentissage.

Ce processus en deux volets est essentiel à la réconciliation, parce qu’ il pourrait un jour permettre aux connaissances et à la pédagogie autochtones de se tailler une place dans le système d’ éducation canadien, ce qui viendrait bousculer les structures de la société dominante jusque dans ses idéologies les plus fondamentales, à savoir l’ individualisme, le capitalisme, la consommation, la concurrence et la hiérarchie. Parallèlement, l’ exploration de systèmes et d’ outils d’ apprentissage traditionnels et historiques autochtones, comme la pédagogie autochtone, pourrait être un premier pas vers la revitalisation des Premières Nations et l’ autonomie de ces dernières en matière d’ éducation.

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