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atlas des peuples autochtones du Canada

Déplacements forcés de population

Crie d’ ascendance écossaise et membre du clan de l’ Ours, Cynthia Bird appartient à la Première Nation de Peguis et habite la région d’ Entre-les-Lacs, au Manitoba, qu’ on appelait autrefois la réserve de St. Peter
(près de Selkirk). Son nom spirituel est Wabi Benais Misitatim Equay (cavalière blanche du tonnerre).

Elle habite avec sa famille à Calgary.

Je vous dis tansi et aneen au nom de la Première Nation de Peguis (signataire du Traité no 1), autrefois appelée « établissement indien », puis « réserve de St. Peter » après la signature du Traité no 1, en 1871. La communauté de Peguis (Oshki ishkonigan) occupe les terres concédées en vertu du Traité no 2, dans la région d’ Entre-les-Lacs au Manitoba. Ça n’ a pas toujours été le cas.

Pour bien situer notre peuple dans l’ histoire, il importe de reconnaître que nous n’ avons pas toujours vécu sur les réserves…

Pour bien situer notre peuple dans l’ histoire, il importe de reconnaître que nous n’ avons pas toujours vécu sur les réserves et que nos déplacements se sont toujours inscrits dans notre histoire et notre rapport à la terre et à l’ eau. La Première Nation de Peguis se compose de Cris et d’ Ojibwés, unis par ce que les linguistes appellent la famille des langues algonquiennes. Notre communauté actuelle est le fruit de la rencontre de ces deux peuples, qui ont quitté des régions géographiques différentes pour se bâtir une nouvelle vie dans un lieu où ils avaient des liens familiaux et commerciaux. 

D’ après nos histoires, nos ancêtres cris auraient migré vers le bas du lac Winnipeg, en direction sud, pour s’ établir à la fin du 18e siècle des deux côtés de la rivière Rouge, près des ruisseaux Devils et Netley, de Clandeboye, de St. Clements, de Breezy Point, de Cooks Creek et de Sugar Point, non loin de la ville manitobaine qu’ on nomme aujourd’ hui Selkirk. Au fil du temps, nos ancêtres se seraient établis en majorité près du ruisseau Netley. Toujours à la fin du 18e siècle, nos ancêtres ojibwés, menés par le chef Peguis, seraient arrivés de l’ est, autour de la région de Sault Ste. Marie, pour s’ installer le long de la rivière Rouge et au nord du lieu de rencontre de nos deux peuples. 

Carte illustrant le déplacement de l’ établissement autochtone original au nord de Winnipeg.

Ces déplacements du chef Peguis et de son peuple sont décrits en ligne et dans divers ouvrages, en particulier sur le site redriverancestry.ca et dans les documents de la Manitoba Historical Society. Ces écrits, qui rendent compte de l’ histoire et de la tradition orale, relatent la naissance de Peguis, son expédition vers la région de la rivière Rouge et son rôle comme signataire du traité de Selkirk, en 1817, qui a fait de lui le chef de la réserve de St. Peter. De ce traité est née l’ une des premières colonies écossaises de l’ Ouest. Une cinquantaine d’ années plus tard, en 1871, un descendant du chef Peguis nommé Red Eagle a signé le Traité no 1, consentant de ce fait au partage des terres et des ressources avec la Couronne. Aujourd’ hui, il est impossible de nier les liens ancestraux qui unissent notre peuple aux colons écossais quand on regarde l’ arbre généalogique de nombreuses familles cries ou ojibwées ou qu’ on pense à des noms comme Asham, Wilson, Stevenson, McPherson ou Sutherland.

Nos ancêtres cris et ojibwés ont partagé avec les colons ce territoire du sud, dans la région de l’ établissement indien, jusqu’ à la signature du Traité no 1, qui a mené à la création de la réserve de St. Peter sur la rivière Rouge, en face de ce qui deviendrait la ville grandissante de Selkirk. À cause de l’ essor des colonies européennes, tout mon peuple a été déplacé, à partir de 1905 et jusque dans les années 1930, sur les terres concédées en vertu du Traité no 2. Mes grands-parents paternels ont raconté avoir déménagé dans la nouvelle localité de Peguis quand ils étaient jeunes. Ça n’ a pas été facile : il leur a fallu remonter le lac Winnipeg jusqu’ à la rivière Fisher par bateau, puis voyager à bord de charriots tirés par des chevaux. Mes ancêtres ont dû défricher la terre avant de pouvoir construire des maisons, cultiver et jardiner.

Je suis Wabi Benais Mistatim Equay, et ma famille est crie. Les récits familiaux de ma mère et de mon père parlent de nos déplacements au fil de l’ histoire, dont les voyages de nos ancêtres sur les rivières et les lacs du nord, jusqu’ à la pointe sud de la fourche des rivières Rouge et Assiniboine. Ainsi, au Manitoba, nous avons des liens avec des communautés, des peuples et des territoires du côté ouest du bassin nord du lac Winnipeg, sans oublier le bassin sud. Je me souviens que mon grand-père, Stanley Bear, parlait de son lieu natal sur les rives du ruisseau Devils, dans le coin nord-est de la réserve de St. Peter. C’ est là où sa famille, W. R. Bear, cultivait et travaillait la terre. Je m’ imaginais une rivière large avec des berges en pente douce. Ma grand-mère est née sur cette même réserve, mais du côté nord-ouest, près du ruisseau Netley, vers Selkirk.

Plus vieille, j’ ai passé devant le ruisseau Netley quelques fois et je me suis rendu compte que j’ aurais dû mieux écouter. J’ ai découvert que le ruisseau était tout petit : on pouvait facilement jeter un caillou de l’ autre côté. Un peu comme la rivière Fisher, ou Ochekiwi Sipi, où la famille de ma grand-mère s’ était installée dans la nouvelle localité de Peguis. Malgré les déplacements et les perturbations dans l’ histoire de notre famille, nos relations continuent de grandir au fur et à mesure que nous retissons et resserrons nos liens avec les parents et amis qui sont sortis du Manitoba actuel pour aller s’ établir ailleurs dans l’ Ouest. Lors d’ un récent rassemblement d’ aînés à Edmonton, j’ ai d’ ailleurs pu rencontrer des parents d’ une communauté crie, la Première Nation d’ Ochapowace. Établie près de Broadview, en Saskatchewan, cette communauté a des liens avec la famille du défunt Jacob Bear, originaire de la réserve de St. Peter.

Aujourd’ hui, mon peuple habite le territoire de la Première Nation de Peguis, mais aussi différentes villes du Manitoba, des provinces de l’ Ouest, de l’ Ontario et du Québec. Pour ma part, je vis à Calgary avec ma famille, ce qui ne nous empêche pas d’ entretenir des liens étroits avec notre communauté natale (Peguis) ainsi que le lac Winnipeg et le Grand lac des Esclaves, aux Territoires du Nord-Ouest. Mon mari vient d’ une famille de pêcheurs (Bird, Cochrane); moi, d’ une famille de pêcheurs et d’ agriculteurs (Bear, Asham, Wilson, Murdock).

Ce lien avec la terre et l’ eau reste au cœur de notre identité et de celle de mes enfants. Mon mari et moi-même nous sommes promis de prendre le temps de cultiver nos relations familiales et d’ entretenir notre rapport aux terres et aux eaux parcourues par nos ancêtres. Pour maintenir ces liens, il a fallu nous doter des moyens financiers nécessaires pour voyager vers nos terres natales afin de renouer avec elles. Elles font partie de nous! Nous continuerons en ce sens. Nous avons espoir que nos enfants et les générations futures sauront aussi reconnaître l’ importance de préserver les relations avec la famille, la terre, l’ eau et les histoires qui nous rappellent qui nous sommes.

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