EN | FR

atlas des peuples autochtones du Canada

Défis environnementaux

John Kim Bell est Mohawk de la Première Nation de Kahnawá:ke au Québec, sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, en face de Montréal. Il est, entre autres nombreuses distinctions, Officier de l’ Ordre du Canada et membre de l’ Ordre de l’ Ontario. Il est titulaire de six grades honorifiques.

Carte du Cercle de feu, en Ontario, où l’ exploitation minière pourrait avoir une incidence considérable sur les Premières Nations de la région.

Voilà plus de 30 ans que j’ agis en perturbateur, défiant, par ma vision, les stéréotypes sur les Autochtones, et provoquant des changements dans les domaines des arts, de la télévision, de la philanthropie et des affaires. Je suis aujourd’ hui représentant de Premières Nations dans le cadre de négociations entourant des projets de mines et d’ énergie renouvelable; défi important s’ il en est un, puisque ces projets, susceptibles d’ apporter des avantages économiques aux Premières Nations, entraîneront inévitablement des répercussions environnementales qui touchent toute la population.

En cette époque où nous sommes tous confrontés aux réalités des changements climatiques, la justice environnementale a la cote. On la définit comme le traitement équitable et la participation significative de tout un chacun dans l’ élaboration, l’ établissement et la mise en application des lois, des règlements et des politiques environnementales, sans égard à la race, la couleur, la nationalité ou le revenu. Dans les faits, ceux qui forment le 1 % de la population le plus privilégié se sont vu accorder le droit d’ exploiter nos ressources et de s’ enrichir massivement au détriment de notre environnement et de notre climat.

Tous les jours, je travaille auprès des Premières Nations et je suis témoin d’ une multitude d’ attitudes et de jugements différents. Nous, peuples autochtones, considérons que notre mode de vie est en équilibre avec la nature. Cette croyance, nous l’ avons balisée longtemps avant la révolution industrielle, avant la croissance de population insoutenable, le capitalisme, la mondialisation et la consécration du pétrole comme principale marchandise économique. Au rythme effréné où s’ épuisent les ressources naturelles, cette vision autochtone du monde est aujourd’ hui plus importante que jamais.

Dans les médias, les groupes autochtones sont dépeints comme anti-développement. Il est vrai que les Premières Nations s’ opposent à certains projets, comme elles se doivent de le faire lorsque tous les autres recours sont épuisés et que les répercussions négatives sont jugées trop graves. Quand des entreprises viennent perturber des territoires de chasse ancestraux et autres terres culturelles, c’ est nous qui souffrons directement de la pollution des cours d’ eau et de l’ empoisonnement au mercure des poissons. Alors dites-moi, les peuples autochtones et leurs valeurs qui préconisent l’ environnement devraient-ils avoir leur mot à dire dans l’ établissement de politiques environnementales? La réponse est oui.

Nous ne sommes pas responsables des désastres environnementaux de notre époque, mais nous en souffrons autant, sinon plus que d’ autres. Il n’ y a pas si longtemps que les tribunaux canadiens prennent en compte notre opinion quant aux politiques environnementales; cela est venu avec leur obligation de consultation et d’ accommodement découlant de la common law lorsqu’ il est question d’ exploitation de ressources sur nos terres ou à proximité. Et si notre pouvoir demeure limité malgré cette exigence, notre voix porte chaque fois un peu plus loin. D’ ailleurs, dans un même ordre d’ idée, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones reconnaît le droit au consentement préalable libre et informé (CPLI). La solution résidera au bout du compte dans un effort collectif d’ équilibre entre les besoins économiques et environnementaux. Mais comment faire pour mettre au point un plan au milieu des injustices environnementales, quand les Autochtones ne participent pas activement au marché libre, au secteur privé et au capitalisme?

En cette époque où nous sommes tous confrontés aux réalités des changements climatiques, la justice environnementale a la cote.

En dépit de la nécessité de mettre un terme à l’ exploitation des combustibles fossiles, de nombreuses Premières Nations dépendent des redevances de l’ industrie du pétrole et du gaz naturel, puisque leur communauté ne possède aucune autre source de revenus. Mais malgré la certitude que les combustibles fossiles demeureront nécessaires à court terme, nous devons apprendre à mieux connaître le mixte énergétique dont nous aurons besoin quand la société sera axée sur l’ énergie renouvelable.

En travaillant en entreprise et comme négociateur pour les Premières Nations, j’ ai dû faire la paix avec le constat que nous avons hérité d’ un monde où le pétrole est la plus précieuse marchandise, le moteur de l’ économie mondiale au nom duquel des guerres ont été déclenchées. Les grandes pétrolières ne feront pas faillite du jour au lendemain. Et tant que les gouvernements n’ auront pas le courage et les fonds nécessaires, il sera difficile de dire adieu à cette économie. Que nous le voulions ou non, les combustibles fossiles demeurent pertinents à court terme. La solution définitive serait d’ en cesser l’ exploitation au profit de l’ énergie renouvelable.

Historiquement, la Loi sur les Indiens a empêché les Premières Nations d’ accéder à du capital pour le développement de sources de revenus, ce qui leur permettrait de mettre au point, de posséder et d’ exploiter des solutions plus saines d’ énergie renouvelable. Les Premières Nations doivent être mieux à même de négocier un mixte énergétique à la fois écoresponsable et viable. Alors que certaines hésitent encore à prendre les virages de l’ éolien et de l’ hydroélectrique, d’ autres s’ y sont engagées pleinement.

Il faut préconiser le ralentissement de la consommation et arrêter la machine de croissance continue. Pour ce faire, nous avons besoin de leaders autochtones prêts à se battre pour nos droits et la modification ou l’ abrogation de la Loi sur les Indiens, sans jamais abandonner notre vision du monde. Il nous faut un plan de transition pour nous défaire de notre dépendance aux combustibles fossiles.

On ne nous a pas donné le droit à la consultation et à l’ accommodement sur un plateau d’ argent; nous avons dû nous battre pour l’ obtenir, en faire une cause de justice sociale devant les tribunaux. Et maintenant que nous le tenons, les représentants des gouvernements ont recours à des ruses pour le contourner, pour continuer à imposer des projets sur nos terres cédées en vertu de traités, et ce, malgré notre opposition. Nous devons continuer à nous battre – et nous allons le faire – pour mettre un terme à cette situation.

Pour venir à bout des défis environnementaux, les Autochtones doivent prendre conscience du besoin de contrebalancer les combustibles fossiles par des énergies renouvelables, et d’ établir un plan pour les abolir à long terme. Il nous faut mieux comprendre les conventions changeantes du droit environnemental, et continuer à lutter pour nos droits et pour la justice.

Commandez maintenant

sur Amazon.ca ou Chapters.Indigo.ca, ou communiquer avec votre libraire ou marchand éducatif préféré