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atlas des peuples autochtones du Canada

Communauté

Ivan Joseph White est d’ ascendance micmaque et vient de la région de Flat Bay, une communauté micmaque dans l’ ouest de Terre-Neuve. Heureux père de deux enfants, il habite actuellement à St. George’ s, une localité voisine de Flat Bay, à Terre-Neuve-et-Labrador.

J’ avais cinq ans la première fois que j’ ai vu et entendu le grand tambour. J’ ai adoré. C’ était en 1998, je venais de commencer la maternelle à l’ ancienne école primaire St. Anne’ s, située à Flat Bay, à Terre-Neuve-et-Labrador. Cette école n’ existe plus aujourd’ hui, car il n’ y avait pas assez d’ élèves dans le secteur.

Le village de Flat Bay a été nommé d’ après la baie adjacente, qui est protégée par une langue de terre appelée la pointe Sandy. Ce havre était ainsi à l’ abri des tempêtes du golfe du Saint-Laurent. Au fil de leurs migrations saisonnières vers le continent, les Mi’ kmaqs, futurs résidents de Flat Bay, se sont éloignés peu à peu de la pointe Sandy, entraînés le long de l’ isthme jusqu’ à atteindre la côte à 10 kilomètres au sud-ouest. Là, ils ont fondé une communauté et fait du commerce avec le nombre grandissant d’ Européens établis sur la pointe Sandy.

Flat Bay est située entre la baie du même nom et les ruisseaux Fischells. En 1972, les 300 membres de la communauté décidèrent, en partie à cause du Livre blanc de 1969 du gouvernement fédéral, de se regrouper et de former un conseil avec un chef pour se gouverner eux-mêmes. Auparavant, la communauté était éparpillée en groupes non solidaires, ce que déplorait une bonne partie de la communauté. Cependant, lorsqu’ il y avait des problèmes, on demandait souvent à la personne la plus vieille et la plus informée de la communauté de s’ occuper du processus de résolution, une façon de faire qui demeure encore aujourd’ hui.

J’ adore les gens, les terres et l’ histoire de Flat Bay. J’ aime autant ses cicatrices que ses défauts. Je veux aider à en faire un meilleur endroit où vivre et grandir.

Flat Bay se distingue de toutes les autres communautés des Premières Nations : elle est autonome, ne reçoit aucun financement de base du gouvernement fédéral et ne perçoit aucune taxe. Les membres de la communauté aident à financer certains services spécialisés, et des fonds proviennent d’ autres programmes. La situation fait en sorte que les résidents doivent participer activement aux affaires de la communauté. C’ est ce sens de l’ indépendance et cette participation communautaire qui nous ont aidés à résister aux tentatives de relocalisation forcée et de création d’ un gouvernement qui ferait concurrence au nôtre, comme nous en avons connu à répétition à Terre-Neuve.

Avant la construction du chemin de fer qui traverse Terre-Neuve à la fin du 19e siècle, les résidents de Flat Bay pouvaient seulement accéder à leur territoire par bateau ou à pied. Au milieu des années 1950, une mine de gypse a été aménagée dans les environs. Les résidents ont donc décidé de défricher une route, affectueusement surnommée « la branche », jusqu’ à la mine. Ce faisant, ils ont rencontré des représentants du gouvernement provincial qui s’ affairaient à la même chose en sens inverse. C’ est ainsi qu’ a été créée la route no 403, qui demeure à ce jour la seule voie routière menant à Flat Bay.

Ce lien s’ est avéré à double tranchant pour la communauté, soudainement soumise à de nouvelles lois et pratiques influençant son mode de vie. Les gens avaient maintenant la possibilité de quitter le village pour faire des études, mais bon nombre ne revenaient pas, faute de travail.

Le danseur Alan Harrington, de la Première Nation indépendante Iskatewizaagegan, no 39, dansant à Ottawa.
Le danseur Alan Harrington, de la Première Nation indépendante Iskatewizaagegan, no 39, dansant à Ottawa.

Dans les années qui ont suivi, la communauté de Flat Bay a énormément misé sur les initiatives communautaires. Dans les petits villages ruraux, les gens trouvent toujours le moyen de contrer l’ ennui : c’ est ce qu’ ont fait les résidents de Flat Bay. Ils ont bûché du bois, pour eux-mêmes et pour ceux qui n’ étaient plus capables de le faire. Ils ont construit des infrastructures, notamment un cinéma, un centre communautaire, un terrain de balle molle, un terrain de jeux, un quai et un édifice de bureaux pour accueillir les services administratifs de la bande. Mais surtout, ils ont passé du bon temps ensemble.

À la veille du nouveau millénaire, j’ étais enfin un jeune adulte et je sentais que l’ avenir me réservait de grandes choses. Malheureusement, il n’ y avait aucune possibilité d’ emploi dans la région. J’ ai donc quitté mon lieu natal, à Terre-Neuve, avec une trentaine d’ autres hommes de ma communauté, pour chercher du travail sur le continent. Je revenais l’ hiver, car j’ avais un emploi saisonnier dans les forêts du Nouveau-Brunswick. Au bout d’ un moment, j’ ai compris que ma communauté avait changé. Il y avait un vide, laissé par ceux qui en étaient partis.

Près de 10 ans se sont écoulés avant que je décide de retourner à Flat Bay et de participer activement à sa revitalisation. J’ avais l’ impression que ma communauté était en péril. Or, à mon arrivée, j’ ai constaté qu’ ensemble, le chef, le conseil et les aînés déployaient déjà de grands efforts pour que la communauté demeure bien vivante. Décidant de faire partie de ce mouvement, je suis rentré chez moi.

Isabelle White, au Pow Wow annuel d’été de Flat Bay (T.-N.-L.).

La bande a cherché à créer des emplois et à offrir une grande gamme de services communautaires : eau, collecte de déchets, enseignement de la langue micmaque, soins de santé et de bien-être, justice réparatrice… Ce qu’ elle continue d’ ailleurs de faire. Chaque année, elle tenait un pow-wow bien connu qui attirait des visiteurs de partout en Amérique du Nord.

J’ étais chez moi, et il me semblait que la communauté était presque redevenue ce qu’ elle était pendant mon enfance. Mais l’ ambiance était différente : les gens avaient cessé de ne voir que les aspects négatifs et se montraient maintenant optimistes. Ce qui m’ emballait le plus, c’ était le fait d’ être accepté à bras ouverts et d’ avoir la chance de m’ épanouir et de contribuer au développement de cette communauté que j’ aimais.

Je crois qu’ on se méprend souvent sur le concept d’ acceptation dans une communauté. Pour être accepté, il faut d’ abord soi-même accepter et aimer la communauté. J’ adore les gens, les terres et l’ histoire de Flat Bay. J’ aime autant ses cicatrices que ses défauts. Je veux aider à en faire un meilleur endroit où vivre et grandir. Je veux que mes enfants connaissent ce lieu et l’ aiment autant que moi. C’ est cela, l’ acceptation : un sentiment réciproque. Je me sentirai toujours chez moi à Flat Bay. J’ ai beau avoir passé beaucoup de temps à apprendre, à vivre des expériences et à grandir, jamais je n’ ai senti le besoin d’ ignorer mon chez-moi.

Il y a un grand tambour dans mon bureau. Si un jour je me sens nostalgique et que j’ ai le goût de me replonger dans mon enfance, je n’ aurai pas à aller bien loin. Je suis très chanceux.

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