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atlas des peuples autochtones du Canada

Climat

Descendante des Dénés, Catherine Lafferty est membre du conseil de la Première Nation des Dénés Couteaux-Jaunes, dans les Territoires du Nord-Ouest. Elle travaille en ce moment sur un mémoire intitulé Northern Wildflower, où elle raconte comment c’ était de grandir dans le Nord en étant une femme autochtone. Elle vit aujourd’ hui à Yellowknife.

Le Nord connaît des transformations sans précédent. Il n’ y a qu’ à voir les conditions météorologiques instables, la myriade de feux de forêt incontrôlables, les faibles niveaux d’ eau et les espèces envahissantes qui infestent nos écosystèmes. Et ce ne sont là que quelques-uns des problèmes qui touchent le plus les peuples autochtones du Nord. Au sujet des changements climatiques, Bill Erasmus, chef national des Dénés, a proclamé cette vérité autochtone qui invite à l’ humilité : « Mère Nature va s’ occuper d’ elle-même; si on abuse d’ elle, elle va se défendre. La question est de savoir si notre civilisation, elle, va survivre. » Ces paroles, quoique pessimistes, ne sont pourtant pas loin de la réalité oppressante du monde qui nous entoure : combattre, c’ est exactement ce que la Terre fait.

Les aléas de la météo nuisent aux territoires de trappe et de chasse. À cause de travaux d’ aménagement irresponsables, une foule de plantes et d’ animaux qui servaient autrefois à nourrir les Autochtones du Nord sont désormais considérés comme impropres à la consommation ou menacés de disparition. De nombreux habitants des régions éloignées, devenus incapables de subvenir à tous leurs besoins avec leur mode de vie traditionnel, dépendent désormais de la barge pour s’ approvisionner en aliments transformés. Malheureusement, la barge est de moins en moins fiable, car les niveaux d’ eau baissent à vue d’ œil. La perte des habitudes alimentaires traditionnelles, conjuguée à l’ achat de coûteux aliments transformés, a donc précipité l’ érosion de la culture et du mode de vie des Autochtones du Nord.

Le chef Erasmus a dit : « Notre peuple est le plus vulnérable, parce que c’ est nous qui sommes le plus près de la nature. » Et qui de mieux placé que les Autochtones du Nord, profondément attachés à la terre, pour faire une telle affirmation? Mais, vu la mutation indéniable et troublante de notre environnement, impossible pour nous de ne pas penser à ce que nous léguons aux générations futures. Nous souffrons à la seule pensée que, peut être, nos petits-enfants ne connaîtront jamais le bonheur de s’ abreuver à même l’ eau cristalline du lac.

Lorsque les dirigeants autochtones du Nord discutent de changements climatiques et de développement du territoire, il n’ est pas rare d’ entendre « aussi longtemps que le soleil brillera, que l’ herbe poussera et que les rivières couleront ». Alexander Morris, l’ un des Commissaires aux traités du gouvernement fédéral canadien, a employé à peu près ces termes dans les années 1870 pour décrire son engagement à respecter les traités signés. Mais combien de temps reste-t-il encore avant que les rivières tarissent, que la pollution éclipse le soleil et que l’ herbe se fane? Quand ferons-nous enfin quelque chose pour contrer les changements climatiques?

Aussi longtemps que le soleil brillera, que l’ herbe poussera et que les rivières couleront.

Le chef Erasmus a raison : il n’ est pas trop tard pour mettre un frein aux changements climatiques. Mais encore faut-il que le Canada prenne les devants en élaborant, avec l’ ensemble des provinces, des territoires et des nations autochtones, un plan obligatoire de gestion de l’ énergie qui assurerait la stabilisation des économies et la transition vers des énergies renouvelables. La triste vérité est que la société dépend en grande partie de l’ industrie des ressources non renouvelables, qui est motivée par l’ appât du gain. Heureusement, le chef Erasmus voit une lueur d’ espoir : « Le gouvernement fédéral prépare un plan de gestion de l’ énergie et est prêt à apporter une solution durable et efficace aux changements climatiques. » C’ est une bonne nouvelle, même si les chercheurs et les représentants du gouvernement tardent à trouver des manières respectueuses de forger avec les peuples autochtones une collaboration solide et fondée sur la confiance.

Lever du soleil dans la petite localité de Gamèti, Territoires du Nord-Ouest.

Comme l’ a affirmé François Paulette, un aîné respecté, « la réconciliation n’ aura de sens que si on se réconcilie avec mère Nature et les peuples autochtones. Pour y arriver, il faut réparer les torts causés à l’ environnement. Les hommes ne peuvent pas continuer à fermer les yeux sur cette mise à mal de l’ avenir de leurs enfants ». Pour l’ aîné, une révolution du mode de vie s’ impose : « La manière dont vit la majorité nuit aux cultures autochtones; tout le monde doit embrasser un mode de vie qui soit en harmonie avec la nature ». Les chasseurs, les cueilleurs et les aînés de la région, tout comme lui, sont les héritiers d’ un savoir collectif transmis par les ancêtres depuis d’ innombrables années. Nos aînés et les utilisateurs des terres possèdent des connaissances aussi vastes que fondamentales sur le passé, le présent et le futur du sol et des eaux. Mais ce n’ est qu’ au cours des dernières années que ce savoir utile s’ est fait reconnaître et respecter. Alors même que ce savoir traditionnel est enfin reconnu comme un droit théorique et protégé par la loi, on oublie de le mettre à profit pour le bien de toute l’ humanité et de mère Nature.

L’ eau est notre plus précieuse ressource. C’ est le sang qui coule dans les veines – les rivières et les ruisseaux – de mère Nature. Sans eau, c’ est la mort, alors nous devons protéger les eaux du Nord à tout prix. Signée il y a peu de temps, l’ Entente-cadre sur les eaux transfrontalières du bassin du Mackenzie reconnaît la valeur du savoir traditionnel et local. Le chef Erasmus apporte un bémol : « De telles ententes doivent s’ accompagner de mesures coercitives permanentes, sinon elles ne seront pas mises en œuvre. Les Autochtones du Nord sont durement touchés par les eaux contaminées, parce qu’ ils se trouvent en aval. » Le message est clair : les Autochtones du Nord jouent un rôle primordial de gardiens.

À titre de gardiens, nous travaillons sans relâche à protéger les terres et les eaux du Nord. Jonas Sangris, gardien et aîné respecté de la Première Nation des Dénés Couteaux Jaunes, s’ exprime avec la sagesse de l’ expérience : « Mère Nature souffre beaucoup. La Terre peine à respirer, la glace fond, le sol s’ assèche. Et la sécheresse ne fera qu’ empirer avec le temps. Il y aura plus d’ incendies, mais pas de pluie pour les éteindre. Non, car à cause du manque d’ eau, l’ humidité aura disparu de l’ air. C’ est ce que les aînés disent. »

Alors, quoi faire maintenant? Selon les lois et les traditions autochtones, nous devons respecter nos aînés et apprendre de leurs enseignements. C’ est pourquoi, avant de nous mettre à soigner mère Nature, nous devons avant tout écouter leurs conseils.

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