L' apocalypse dans les os, l' utopie dans l' âme
La renaissance autochtone contemporaine
NOUS, LES PREMIERS HABITANTS DE cette terre, avons l’ apocalypse dans les os et l’ utopie dans l’ âme. Des générations de traumatismes ont marqué notre code génétique, liant notre ADN à la douleur de nos ancêtres. Nos chants évoquent les souvenirs heureux du temps où un vent de liberté soufflait sur tout le continent, remuant l’ âme de nos aînés et invitant nos enfants dans la danse. Nous avons hérité des rêves et des cauchemars de nos aïeux, qu’ ils soient chefs héréditaires ou enfants kidnappés, farouches guerriers ou artistes inventifs, grand-mères aimantes ou oncles vagabonds.
Nous vivons à l’ époque de la réconciliation, mais il faudra une transformation sans précédent pour réparer les torts immenses causés à notre peuple. Pour commencer, il nous faut considérer ce gouffre d’ injustices.
Des milliers – peut-être même des millions – de vies se sont éteintes à cause de la colonisation : certaines à cause de pandémies qui auraient pu être évitées, d’ autres par faute de conflits sanglants. D’ autres vies encore ont été perdues aux mains de solutions brutales visant à régler ce qu’ on appelait le « problème indien ». Dans ma langue, le secwepemc, on se souhaite le bonjour en disant « tsecwínucw-k », ce qui signifie littéralement, « tu as survécu à la nuit ». Mais il y a beaucoup de nuits auxquelles nos ancêtres et nos proches n’ ont pas survécu.
On nous a pris nos terres, ainsi que notre culture et notre mode de vie. Ces dernières décennies, la Cour suprême et des érudits consciencieux ont admis ce fait, une évidence pour les Autochtones. Des enfants ont été kidnappés et enfermés, d’ abord dans les pensionnats indiens, puis dans le système de protection de l’ enfance. Aujourd’ hui, notre peuple est sous-représenté dans les universités, et surreprésentés dans les prisons. Dans beaucoup de communautés, l’ eau du robinet n’ est pas potable. Il suffit d’ aller faire un tour dans la réserve ou le centre-ville le plus proche, où les Autochtones se regroupent en communautés soudées par l’ amour et l’ espoir de jours meilleurs, pour comprendre que nous vivons dans une société et un pays d’ injustices.
Ce serait cependant une déformation grave que de dire que les Autochtones n’ ont connu que des malheurs sur cette terre. Il y a aussi des victoires, en particulier dans les dernières générations. Après des décennies voire des siècles de lutte, l’ esprit de la renaissance autochtone contemporaine est à l’ autodétermination – et non à l’ assimilation.
Être autochtone est un cadeau dont nous pouvons être fiers.
Nous avons des leaders, comme le grand chef secwepemc George Manuel. Nous avons nos Michel-Anges, comme l’ extraordinaire Bill Reid; une prodigieuse communauté littéraire, qui compte dans ses rangs la sensible Lee Maracle; des grands-pères, qui nous enseignent ce qu’ ils savent; des tantes, qui veillent sur nous; et des cousins, nos coéquipiers sur la glace et meilleurs amis à l’ école. Être autochtone est un cadeau dont nous pouvons être fiers.
Au Canada et ailleurs dans le monde, on se rend compte que les Autochtones sont de fins meneurs, capables de guider des mouvements sociaux influents – des forces bénéfiques, représentant des communautés et des valeurs qui manquent à ce 21e siècle.
Le présent atlas regroupe les voix des Premières Nations, des Métis et des Inuits, réunissant toute la diversité d’ esprit et la profondeur des peines, des joies et des victoires des Autochtones, de Tkaronto à Tuktoyaktuk en passant par Victoria et Val-d’ Or.
Ces voix sont la chaîne et la trame des terres d’ où nous venons. Dans la langue secwepemque, que j’ ai eu le privilège d’ apprendre auprès de ma kyé7e (ma grand-mère), les mots « peuple » et « lieu » ont pour racine le même mot ancien, tmícw. Mais inutile de faire des études en linguistique pour comprendre que nos récits s’ ancrent dans la terre et le peuple, deux éléments interdépendants et indissociables.
Il y a plus d’ un siècle, James Teit, un Canado-Shetlandais, s’ installa sur le territoire salish du continent, à la rencontre de notre peuple et de nos langues. Il maîtrisa si bien nos idiomes et notre savoir que le célèbre anthropologue Franz Boas le recruta à titre d’ ethnographe pour l’ expédition Jesup dans le Pacifique Nord. Pendant son séjour chez nos ancêtres, Teit découvrit et étudia nos récits. Il finit par se joindre à notre lutte contre les injustices persistantes, nos revendications territoriales et notre volonté de rendre la société plus juste et équitable entre ses nations, ses gouvernements et sa population.
Nous espérons, lecteur, lectrice, que les voix des premiers peuples réunies dans le présent atlas vous donneront matière à réflexion, et peut-être même l’ envie d’ agir, comme ce fut le cas pour Teit il y a de cela des générations.
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